Il existe beaucoup de données épidémiologiques en faveur d’un effet des perturbateurs endocriniens sur la fertilité et sur la grossesse. Les risques liés à leur exposition sont désormais visibles à l’échelle des nations (plus d’hypospadias, fertilité masculine en recul, etc.). Se pose donc la question de comment faire pour informer au mieux les femmes enceintes, demandeuses de renseignements sur ce thème, avec parfois des interrogations très pointues par rapport à l’environnement chimique en général auquel elles sont exposées.
« La Fédération internationale des gynécologues obstétriciens (FIGO) recommande cinq actions à ceux qui suivent les femmes enceintes : les informer pour les aider à limiter leur exposition à domicile ; collaborer avec les médecins du travail pour limiter l’exposition professionnelle ; mieux prévenir les contaminations chez certaines communautés exposées à des risques particuliers (milieu rural et agricole ou viticole, par exemple) ; apprendre à consommer de façon plus pertinente en toute connaissance de cause, et, enfin, interpeller les décideurs afin que les femmes enceintes et les jeunes enfants soient mieux protégés par rapport à ces risques », précise le Pr Philippe Deruelle (Lille).
Des mesures à prendre à la maison
Parmi les questions fréquemment posées reviennent celles sur les teintures des cheveux, sur les peintures de la chambre de bébé et de son mobilier. « Ce thème pouvant vite devenir anxiogène pour la future mère, il est important de se concentrer sur les mesures simples qu’elle peut prendre, comme privilégier les peintures non polluantes dans la chambre de bébé, laisser un tiers s’occuper de repeindre les murs ou de monter les meubles, bien aérer la pièce pendant plusieurs semaines, privilégier les meubles sans vernis, sans colle, en matériaux naturels, etc. Il faut aussi se méfier du recours aux produits antimoustiques comme ceux sous forme de bracelets qui peuvent franchir la barrière cutanée, ainsi que des produits cosmétiques et des teintures pour cheveux. Ce n’est pas non plus le moment d’acheter des chaussures neuves (sur lesquelles ont été pulvérisés moult produits chimiques), de donner des vêtements ou des draps à laver à sec, en raison de la présence de perchlorate, ou d’utiliser de produits phytosanitaires dans son jardin », rappelle le Pr Deruelle. Bien d’autres informations pratiques sont accessibles depuis le site du Réseau environnement santé (1). Les futures mères peuvent également en obtenir auprès de leur réseau santé périnatal.
La contamination de l’environnement, une lutte politique
Si les futures mères peuvent agir à leur niveau, elles sont plus démunies face aux perturbateurs déversés dans leur environnement, comme les pesticides dans les champs, sur les vignobles, etc. « Dans certaines régions (mais pas toutes), l’obstétricien a moyen de faire intervenir un ingénieur spécialisé en pollution environnementale au domicile même de la patiente, mais ce type d’intervention n’est pas encore financé. Il peut aussi collaborer avec le médecin du travail », insiste le Pr Deruelle. L’objectif est d’identifier la source et de l’éliminer dans la mesure du possible, ou, à défaut, d’en éloigner la femme enceinte. Et, plus largement, protéger le reste de la population de cette même source. C’est pourquoi avoir une politique de santé publique à l’échelle européenne est devenu une nécessité. À ce titre, les sociétés savantes peuvent jouer un rôle clé en relayant l’information et en participant à la recherche.
exergue : L'ingénieur spécialisé en pollution environnementale peut intervenir au domicile de la patiente
Entretien avec le Pr Philippe Deruelle, gynécologue obstétricien au pôle « Femme, mère, nouveau-né » du CHRU de Lille, et secrétaire général du CNGOF
(1) www.reseau-environnement-sante.fr
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