Les données rapportées lors du dernier congrès de la Société francophone du diabète (SFD), en mars 2024, sur la première année complète où la boucle fermée (BF) était disponible et remboursée dans notre pays confirment, en conditions de vie réelle, ses bons résultats issus des nombreuses études et méta-analyses.
Ce qui a conduit la SFD à recommander d’élargir ses indications, qui étaient initialement limitées selon des critères d’âge, d’hémoglobine glyquée (HbA1c ≥ 8 %) et de traitement préalable. « Le critère d’HbA1c était lié aux études disponibles sur les capteurs ; il n’a plus lieu d’être, explique le Pr Pierre-Yves Benhamou, coprésident du groupe de travail Télémédecine et technologies innovantes de la SFD (CHU de Grenoble). De même, les précédentes recommandations de 2020 limitaient le recours à la BF à un âge de 6 à 7 ans (selon le dispositif) mais, en raison de nouvelles études faites depuis, la SFD souhaiterait que l’âge soit abaissé à 2 ans. » La troisième restriction jugée aujourd’hui sans fondement est que le patient soit déjà sous pompe à insuline pour pouvoir être équipé d’une BF : il a été montré qu’un patient sous stylo à insuline pouvait aussi être équipé d’une BF avec un succès au moins équivalent.
« Il est important que les médecins généralistes informent leurs patients avec un DT1 et n’ayant pas encore vu de diabétologue que le traitement standard est devenu la BF, insiste le diabétologue. Une fois leur diabète bien équilibré grâce à une BF, il n’y a plus besoin de voir aussi souvent le spécialiste (une fois par an peut suffire). La place du généraliste dans le suivi du DT1 – maintenant que l’aspect le plus répulsif du traitement est géré par la BF – peut désormais être redéfinie. »
En allégeant la gestion du traitement, la boucle rebat les cartes entre diabétologue et généraliste
Les femmes enceintes aussi
Autres évolutions portées par les publications récentes de données favorables : la grossesse n’est plus une contre-indication à la BF, de même que le diabète instable ou incontrôlable, avec des hypoglycémies problématiques, jusqu’à présent mis de côté. Enfin, le patient ayant un diabète de type 2 (DT2) et déjà sous pompe à insuline pourrait lui aussi bénéficier d’une BF.
L’Observatoire national de la boucle fermée en France (OB2F), qui a recruté 3 000 patients adultes et enfants pour la seule année 2022, confirme l’efficacité et la sécurité de la BF en vie réelle. « Le temps dans la cible augmente, avec un taux moyen ≥ 72 % chez l’adulte (66,6 % chez l’enfant). De son côté, l’HbA1c passe d’une moyenne de 7,6 à 7 % (de 7,5 à 7 % chez l’enfant). Le taux d’accidents (hypoglycémies sévères, acidocétoses) est divisé par quatre, avec un très faible taux d’abandon en faveur d’une bonne acceptation de la BF, détaille le Pr Benhamou. Concernant les très jeunes enfants, outre l’amélioration métabolique, on note une réelle amélioration du confort de vie de la famille avec, notamment, un meilleur sommeil des parents. » Seul bémol : cela nécessite une mise en place par un centre de pédiatrie très spécialisé.
Une limitation qui existe aussi pour les patients tout-venant : si, aujourd’hui, l’équipement et la formation à la BF peuvent se faire en ambulatoire, les ressources humaines compétentes pour former les patients sont insuffisantes dans les centres agréés pour équiper en BF, d’où des listes d’attente.
« Des formations en ligne, diplômes universitaires, etc., ont été mis en place, mais il faut le faire savoir et il faut le temps que les professionnels se forment », souligne le Pr Benhamou.
Encore des progrès à prévoir
Avec les BF actuelles, les patients doivent encore assumer la gestion des repas et des activités sportives, mais des systèmes ne nécessitant plus de déclarer les repas sont attendus. « Pour ce qui est de la gestion de l’activité physique et sportive, cela dépendra surtout de l’arrivée de nouvelles insulines encore plus physiologiques et plus rapides pour se rapprocher de l’insulinosécrétion naturelle, ce qui devrait arriver dans quelques années », indique le Pr Benhamou.
Autres progrès attendus sur le plan technologique : l’interopérabilité des systèmes. « Pompes, capteurs et algorithmes ne peuvent pas être utilisés librement entre eux pour des raisons réglementaires et industrielles. Les plateformes de surveillance, qui sont utilisées par les trois quarts des centres, souffrent du même problème, ce qui oblige à avoir jusqu’à cinq logiciels, à se former à chacun d’eux, explique le Pr Benhamou. C’est un frein, et un risque de prescrire principalement le matériel associé à la plateforme avec laquelle le spécialiste est le plus à l’aise. »
Entretien avec le Pr Pierre-Yves Benhamou (CHU de Grenoble)
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