De notre correspondante
« Le fait qu'il existe du tissu adipeux brun chez les humains adultes signifie que ce tissu constitue une nouvelle cible importante pour le traitement de l'obésité et du diabète de type 2 », estime le Pr Ronald Kahn, directeur du Centre du Diabète Joslin et professeur de médecine à l'université médicale de Harvard, qui a dirigé l'une des trois études publiées dans le « New England Journal of Medicine ».
L'obésité résulte d'un déséquilibre prolongé entre les apports et les dépenses énergétiques (métabolisme de base, thermogenèse adaptative et provoquée par l’exercice). En dépit de la simplicité de cette équation, il n'est pas facile pour les obèses de normaliser leur poids. Actuellement, les interventions comportementales ou pharmacologiques ciblent surtout l'apport énergétique, avec des résultats modérés et souvent temporaires, à l'exception de la chirurgie bariatrique. Les interventions visant à accroître la dépense énergétique sont relativement limitées et l'exercice physique, bien qu’efficace, exige une discipline difficile à maintenir dans la durée.
Produire de la chaleur.
Le tissu adipeux brun, ou graisse brune, représente une cible naturelle pour moduler la dépense énergétique. Contrairement au tissu adipeux blanc qui stocke l'énergie sous forme de lipides, le tissu adipeux brun brûle ces lipides pour produire de la chaleur et de ce fait dépense l'énergie.
Toutefois, si le tissu adipeux brun est important chez les petits mammifères et les nouveau-nés humains, permettant d'assurer une température corporelle constante, on le considérait, jusqu'à récemment, comme quasi inexistant et sans rôle physiologique chez l'adulte humain.
La découverte récente du gène PRDM16, gouvernant la différenciation du tissu adipeux brun, et de sa régulation par la BMP7 (bone morphogenetic protein 7) a ranimé l'intérêt de son étude chez l'homme.
Trois équipes de chercheurs démontrent la présence et l'activité de la graisse brune chez les adultes humains, en exploitant la tomographie par émission de positons (TEP).
Dans l'étude de Virtanen et coll., dirigée par le Dr Sven Enerback (Université de Göteborg, Suède), 5 volontaires adultes en bonne santé ont subi deux examens par TEP. L'un dans des conditions d'exposition au froid (froid ambiant et pieds dans l'eau glacée), l'autre dans un environnement normal, plus chaud. La comparaison révèle que le tissu adipeux brun (paracervical et supraclaviculaire) peut être rapidement activé par l'exposition au froid, augmentant de 15 fois en volume. Des biopsies de ces tissus adipeux chez 3 volontaires ont montré l'expression de quantités importantes de protéine UCP1 (uncoupling protein 1), le marqueur du tissu adipeux brun.
Région antérieure du cou et thorax.
Cypess, Kahn et coll. (Boston, États-Unis) ont analysé 3 640 scanners combinant TEP-FDG et TEP/TDM réalisés pour des raisons diverses chez 1 972 patients. Des dépôts importants de tissu adipeux brun, situes dans la région antérieure du cou et thorax, ont été trouvés chez une fraction des patients - 7,5 % des femmes (76/1 013) et 3,1 % des hommes (30/959). Ces dépôts de graisse brune, visualisés en condition normale (et sous-estimant probablement la présence véritable), sont donc deux fois plus fréquents chez les femmes, avec une masse et une activité également plus élevée chez celles-ci.
De plus, la probabilité de détection du tissu adipeux brun est inversement corrélée à l'âge, à la température extérieure, lors de la réalisation du scanner, à la prise de bêtabloquants et, surtout, à l'IMC et à la glycémie à jeun, en particulier chez les patients plus âgés, ce qui suggère un rôle possible dans le métabolisme chez l’adulte.
Van Marken Lichtenbelt et coll. ont étudié 24 hommes volontaires sains - 10 minces (IMC < 25) et 14 en surpoids ou obèses (IMC≥25), dans des conditions de température neutre (22 °C) et durant une exposition au froid modéré (16 °C). Le scanner par TEP-FDG-TDM a permis d'observer une activité du tissu adipeux brun durant l'exposition au froid chez 23 des 24 sujets (96 %), mais pas dans des conditions de température neutre. L'activité est significativement réduite chez les sujets en surpoids ou obèses.
« Le tissu adipeux brun pourrait être métaboliquement important chez les hommes et le fait qu'il est réduit, mais bien présent, chez la plupart des sujets obèses ou en surpoids pourrait en faire une cible pour le traitement de l'obésité », concluent les auteurs.
Dans un éditorial, le Dr Francesco Celi conclut de façon similaire. « Ces études apportent une forte preuve de principe que ce tissu pourrait être utilisé comme une cible pour des interventions, pharmacologiques et environnementales, visant à moduler la dépense énergétique ».
New England Journal of Medicine, 9 avril 2009, van Marken et coll., Cypress et coll., Virtanen et coll., pp 1500, 1509, et 1 518.
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