La greffe d'îlots pancréatiques, ou thérapie cellulaire du diabète, fait partie actuellement de l’arsenal thérapeutique de prise en charge du diabète de type 1. « Elle nécessite un laboratoire spécialisé pour l’isolement des îlots et des équipes entraînées », souligne la Pr Laurence Kessler (Strasbourg). Après le prélèvement pancréatique sur les donneurs (il en faut de deux à trois pour avoir la quantité nécessaire pour un receveur), les îlots sont isolés puis mis en culture pendant plusieurs jours. Ils sont ensuite conditionnés puis injectés dans la veine porte hépatique du receveur, soit en radiologie interventionnelle soit par voie chirurgicale.La procédure radiologique est la plus utilisée, elle est rapide et réalisée sous anesthésie locale, moins invasive que la voie chirurgicale. Elle peut cependant exposer au risque de complications hémorragiques, dans 8 à 10 % des cas. Comme pour toute greffe, la transplantation d’îlots nécessite la mise en place d’un traitement immunosuppresseur (lire p. XX).
Au terme de plus de deux décennies d'évaluation dans le cadre de protocoles de recherches, jusqu'à la première étude randomisée (1), trois grandes indications ont été proposées à la HAS :
– Le diabète de type 1 chroniquement instable avec fonction rénale conservée présentant des hypoglycémies mettant en jeu le pronostic vital, malgré un traitement bien conduit par pompe et capteur ;
– Le diabétique de type 1 devant recevoir une autre greffe (rein, ou poumons dans le cadre de la mucoviscidose) et chez lequel un traitement immunosuppresseur est déjà nécessaire. La greffe d'îlots peut alors être simultanée ou décalée de quelques mois ;
– L'autogreffe d'îlots dans le cadre d'une pancréatectomie pour une tumeur bénigne du pancréas ou une pancréatite chronique hyperalgique notamment, indication qui ne nécessite pas de traitement immunosuppresseur et qui s'accompagne des meilleurs résultats.
Efficace sur la variabilité glycémique et les hypoglycémies
« Les résultats de la greffe d'îlots sont appréciés non pas tant sur l'insulinodépendance que sur la correction de la variabilité glycémique et la disparition des hypoglycémies. L’efficacité de la greffe est évaluée par le bêta score, associant glycémie à jeun, taux de C peptide sanguin, HbA1c et besoins en insuline », explique la Pr Kessler.
Globalement, les études montrent qu'à un an, les patients ne font plus d'hypoglycémies (notamment sévères) et, selon les équipes, 70 à 90 % sont insulino-indépendants. À dix ans, l'équipe Lilloise rapporte un greffon fonctionnel chez 78 % des patients avec un C peptide sanguin dosable, une HbA1c < 6,5 % sans hypoglycémies sévères et 28 % d’insulino-indépendance (3). Après cinq ans, une perte progressive des îlots s’installe, avec une dysfonction chronique du greffon, se traduisant par une réapparition de la variabilité glycémique et une augmentation des besoins en insuline.
Les bénéfices de la thérapie cellulaire ont été confirmés dans une étude prospective randomisée, comparativement à la pompe à insuline couplée ou non à un capteur chez des DT1 instables : à six mois, le bêta score était de six dans le groupe greffe îlots versus 1,5 dans le groupe insulinothérapie (1). La greffe s'accompagne d'autres effets positifs : moindre risque de neuropathie à cinq ans, et moindre évolution de l'atteinte rénale chez les patients greffés du rein.
Les études sont plutôt rassurantes quant à l'impact du traitement immunosuppresseur sur la fonction rénale, mais elles confirment une augmentation du risque d'infections et de tumeurs induites, surtout cutanées.
Organisation et coût à préciser
La HAS doit désormais statuer sur les indications de la greffe d'îlots et sur son organisation. Dans sa note de cadrage de septembre 2019, elle n'a retenu que les deux premières indications citées ci-dessus (2).
Cette technique pourrait concerner de 100 à 150 patients par an, ce qui implique la réalisation de 200 à 300 greffes. « Il faut que les centres d'isolement d'îlots soient disponibles 24 h/24 », rappelle la Pr Kessler, avant de souligner que la question de la couverture géographique de l'ensemble du territoire métropolitain doit être résolue. Seuls trois centres sont aujourd'hui opérationnels, Lille, Paris et Genève, en attendant celui de Montpellier et de Strasbourg.
Outre la réflexion sur l'organisation, la HAS devrait se prononcer sur le coût et les Conseil nationaux professionnels devraient de leur côté remettre un rapport dans les prochaines semaines. « Nous sommes à la croisée des chemins, indique la Pr Laurence Kessler, car en parallèle sont apparus les systèmes de boucle fermée. L'un des enjeux pour les cinq ans à venir sera de définir les places respectives de chacune des techniques ».
Exergue : « L'un des enjeux pour les cinq ans à venir sera de définir les places respectives de chacune de la greffe et de la boucle fermée »
Entretien avec le Pr Laurence Kessler, service endocrinologie, diabète, nutrition, hôpital civil, Strasbourg (1) Lablanche S et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2018 Jul;6(7):527-37. (2) Note de cadrage de la HAS, septembre 2019. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-10/cadrage_il… (3) Vantyghem MC et al. Diabetes Care. 2019;42(11):2042-9
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