Protéger les synapses de l’amyloïde ß

La piste de l’insuline pour prévenir l’Alzheimer

Publié le 02/02/2009
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L’HYPOTHÈSE qui verrait dans la maladie d’Alzheimer une sorte de diabète cérébral vient de trouver un argument de plus à son actif. Le travail provient d’une équipe américano-brésilienne et demeure, pour l’instant, au stade de la culture cellulaire. Fernanda G. De Felice et coll. montrent que favoriser l’apport d’insuline sur des cellules de l’hippocampe réduit l’action délétère de l’oligomère d’amyloïde ß soluble ou Aß, l’un des primum movens de la survenue de l’affection.

Afin de mieux appréhender comment l’insuline pourrait agir, quelques notions de physiopathologie de la maladie d’Alzheimer s’avèrent indispensables. L’oligomère amyloïde ß, ou plus précisément les ligands diffusibles dérivés de l’Aß (ADDL), détériore les synapses en se fixant sur des sites spécifiques. C’est ainsi que surviennent un stress oxydatif, la perte des dendrites synaptiques et une redistribution ectopique des récepteurs. Autant de lésions impliquées dans les pertes de plasticité et de mémoire.

Les auteurs sont partis d’une hypothèse selon laquelle un mécanisme protecteur existe physiologiquement pour protéger les synapses de l’ADDL. S’il permet de conserver la cognition, il pourrait aussi servir de cible thérapeutique au cours de l’affection. L’équipe s’est donc intéressée à des cultures de neurones d’hippocampe. Elle a constaté qu’avant la perte des dendrites l’ADDL crée une franche inhibition des récepteurs insuliniques de membrane qui s’associe à un stress oxydatif. D’où l’idée de tester une prévention par l’insuline.

Cette hypothèse est étayée par des travaux antérieurs. Certains ont montré que l’insuline joue un rôle clé dans la plasticité au niveau du système nerveux central. D’autres, plus récents, ont suggéré que l’hormone et qu’une glitazone (augmentant la sensibilité à l’insuline) améliorent les performances cognitives, à la fois sur un modèle murin de maladie d’Alzheimer et en début d’affection chez l’humain. À l’inverse, enfin, l’insulinorésistance au cours du diabète de type 2 est connue comme facteur favorisant cette neurodégénérescence.

Réduire les liaisons de l’ADDL.

Les auteurs ont donc traité in vitro des cellules d’hippocampe par des doses submaximales d’insuline, potentialisée par une glitazone. La protection conférée aux neurones a permis de réduire de façon très marquée les liaisons de l’ADDL.

Mais l’équipe a poussé les recherches plus loin. De Felice et coll. ont inhibé l’activité tyrosine kinase des récepteurs insuliniques. Ils ont alors constaté, avec surprise, non seulement la perte de l’action protectrice de l’insuline, mais aussi une majoration des liaisons de l’ADDL. Ce dernier point est d’importance, il permet de mieux affiner la pathogenèse. Selon les auteurs «  le rôle protecteur de l’insuline découle ainsi d’une sous-régulation des sites de liaison de l’ADDL dépendant d’une voie de signalisation des récepteurs insuliniques plutôt que d’une compétition entre ligands. » Ce qui laisse entrevoir une voie protection des mécanismes synaptiques de la mémoire, à la fois en accroissant les défenses contre l’ADDL (majoration de la sensibilité à l’insuline) et en diminuant ses taux (par anticorps).

Proceedings of the National Academy of Sciences, doi/10.1073/pnas.0809158106

 Dr GUY BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr