Environ 20 % des diabétiques dans le monde sont traités par insuline, soit 100 millions d’individus. Depuis sa découverte en 1922, les progrès de l’insulinothérapie ont été considérables et constants. Développer un système de délivrance de l’insuline régulé par la glycémie est l’un des défis majeurs. Les avancées les plus significatives ont été accomplies ces deux dernières années, avec le couplage d’un capteur glycémique et d’une pompe à insuline (filaire ou pompe patch) diffusant une insuline rapide, ce qui revient à une boucle « presque fermée » (Diabeloop ou Tandem), commercialisée aujourd’hui. Le débit de base de ces pompes est parfaitement adapté aux besoins extra-prandiaux, grâce au couplage, par un algorithme intelligent, entre les glycémies données par le capteur et l’infusion sous-cutanée de l’insuline par la pompe.
Pour ce qui concerne l’ingénierie des insulines elles-mêmes, depuis un peu plus de dix ans, la mise au point d’analogues basales lentes, couvrant les 24 heures, et d’analogues rapides et ultra-rapides a déjà permis d’affiner ce traitement – d’abord pour les sujets porteurs d’un diabète de type 1 (DT1) mais pour ceux de type 2 (DT2) aussi. La basale fournit ainsi une couverture de plus en plus stable, avec une faible variabilité des glycémies inter-prandiales. Ce fut l’avancée majeure de la glargine U100 (Lantus) puis récemment des deux nouvelles basales de seconde génération, la glargine U300 (Toujéo) et la degludec (Trésiba), plus longues, plus plates, avec moins d’hypoglycémies et une plus grande flexibilité dans l’horaire d’injection. Dans le même temps, les insulines analogues prandiales rapides ont été rendues encore un peu plus rapides : Fiasp et ultra-rapid lispro (URLi).
Les stylos injecteurs sont d’un usage plus aisé et les aiguilles, ultracourtes (ex : BD 5 mm), rendent l’injection particulièrement simple et indolore. Bien sûr, tout cela vaut pour les pays qui en disposent et qui les remboursent, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays émergents et même aux États-Unis !
Quant aux insulines ciblant prioritairement le foie, les essais ont été globalement voués à l’échec pour le moment (peg-lispro).
Les smarts insulins sur les rangs
Toutefois, l’insuline actuelle doit être toujours injectée et sa cinétique n’est pas fonction des besoins du sujet (donc de la glycémie ambiante), ce qui serait l’idéal.
Parmi les nouvelles pistes qui sont ouvertes, un mode d’administration par des microaiguilles transdermiques (micro-needles patch, fig. 1) qui pourrait être couplé à une délivrance dite intelligente, d’une smart insulin dont la concentration dans le sang dépendrait du niveau glycémique (fig. 2). Les microaiguilles fonctionnent comme de micro-puits contenant les « insulines intelligentes ». Ces dernières répondent à plusieurs approches différentes. Il s’agit de plusieurs sortes d’hydrogels injectables d’insuline, gluco-stimulables. Ces microgels contiennent des petites particules d’insuline ayant une cinétique rapide, appropriée aux besoins cliniques. Les trois principaux réactifs au glucose utilisés sont la glucose oxydase, la concanavaline A et un récepteur synthétique dérivé d’acide phénylboronique (PBA). La reconnaissance moléculaire du glucose induit une modification de la densité de charge du polymère, une réticulation du gel, ou encore une augmentation de son affinité avec l’eau. Ces modifications physico-chimiques rendent le maillage du gel moins dense et l’insuline qu’il contient peut alors être libérée, mais de façon réversible (fig. 3). Il reste néanmoins un long chemin à parcourir avant les premiers essais cliniques.
S’affranchir des injections ?
L’autre voie est représentée par l’administration d’insuline par voie orale. Une telle formulation permettrait une administration portale de l’insuline, avec les avantages connus d’un premier passage hépatique (qui retient 65 à 80 % de l’insuline) mimant la situation physiologique et une meilleure acceptation par le patient.
Plusieurs stratégies ont été développées afin d’assurer une protection de cette protéine face à l’hydrolyse par les enzymes digestives, son absorption et son transport au travers de l’épithélium digestif. Les vecteurs utilisés sont les liposomes, des nanocapsules lipidiques, des nanosphères de polymères, enfin des nanocapsules de polymères et des nanoparticules d’insuline.
Récemment, un autre vecteur dit liquide ionique (liquid-borne insulin) a été mis au point par des équipes d’Harvard et de la School of engineering and applied sciences (Seas). Il a la particularité de demeurer stable malgré l’ambiance délétère du milieu digestif. Les concepteurs parlent de couteau suisse de défense du composé contenant l’insuline, luttant contre les aggressions diverses du milieu. Plusieurs de ces fomes de « pilules d’insuline » sont en cours d’expérimentation (phase 2) par de grands groupes pharmaceutiques, avec des résultats glycémiques prometteurs. En général, ils nécessitent cependant de fortes doses d’insuline, dont une très grande partie est perdue dans le processus.
Une dernière innovation très originale vient d’être présentée, la needle pill, une aiguille avalée par la bouche ! Il s’agit des minuscules capsules en matériau dur, mécanique, de la taille d’un très petit poids (trois entrent dans une gélule de taille usuelle), qui sont capables de s’ouvrir dans l’estomac. Ce système est qualifié de tortue car sa forme s’y apparente et permet de faire que, par gravitation, il s’oriente de lui-même et que la partie permettant l’injection d’insuline soit bien au contact de la muqueuse de l’estomac. Le dispositif est éliminé dans les selles sans inconvénient (fig. 4). Les données obtenues chez le porc seraient prometteuses.
Exergue : L’insuline actuelle doit être toujours injectée et sa cinétique n’est pas fonction des besoins du sujet
Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
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