CONSTRUITE en 1968, la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis compte trois centres, répartis en sept bâtiments (cinq pour les hommes, un pour les femmes et un autre pour les jeunes). Elle accueille les prévenus qui sont en attente de jugement ou qui sont condamnés à de courtes peines ou encore en attente de transfert vers des établissements pour peine.
Aujourd’hui 3 950 détenus vivent à Fleury. Sachant qu’il n’y a théoriquement que 2 856 places, ils cohabitent en sureffectif. Les cellules individuelles, de 9 m 2 sont doublées et les cellules doubles accueillent parfois trois personnes. Quelque 7 900 détenus transitent par Fleury chaque année. Pour les soigner, une armada de personnels de santé (165), 14, 2 médecins équivalents temps plein (12,8 de généralistes), 11 dentistes, des kinés, des manipulateurs radio, des pharmaciens… Vingt demi-journées de consultations spécialisées sont proposées.
Jusqu’en 1994, les services de santé en milieu carcéral dépendaient de l’administration pénitentiaire et donc du ministère de la Justice. La loi du 18 janvier 1994 les a placés sous la tutelle de la Santé. Les soins prodigués en prison dépendent dès lors des établissements hospitaliers de proximité. Dans le même temps, les détenus ont été affiliés à l’assurance-maladie et on a créé dans les 187 sites pénitentiaires français des UCSA. Le service médical de Fleury dépend ainsi du centre hospitalier de Corbeil-Essonnes. « Ce transfert (ministériel) f aisait suite à un long travail de l’IGAS, qui avait démontré que la prévalence des maladies cardio-vasculaires (entre autres) et du sida était plus importante en prison que dans la population française », explique le Dr Michel Fix, médecin-chef de Fleury-Mérogis. Des budgets ont été alloués à ces hôpitaux pour ouvrir ou améliorer ces secteurs.
2000, l’année des boîtes.
La santé est ainsi, petit à petit, entrée dans les cellules. « Ces patients sont certes privés de leur liberté mais on n’a pas à les priver de leurs soins. La cellule est un espace privatif où ils doivent pouvoir se soigner. ». Bien sûr, « le cheminement a été long, il a fallu faire face à une forte résistance de l’administration pénitentiaire au départ. »
Fleury compte actuellement 27 détenus diabétiques. Les infirmières, qui leur injectaient leur insuline trois fois par jour, ont repéré lesquels, selon le profil et la compliance au traitement, pourraient s’autopiquer. C’est à partir de 2000 que le système des « boîtes » a commencé. Deux fois par semaine, les patients diabétiques de Fleury rechargent leur boîte d’aiguilles et le matériel nécessaire. Evidemment, les comptes sont strictement tenus : le nombre d’aiguilles usagées rendues doit être identique à celui des aiguilles distribuées. Telle est la condition sine qua non. Après une période de surveillance, le nombre de boîtes a augmenté tout doucement. Le passage aux RTT a encore accéléré les choses. « Cela contraignait notre service à fermer à 17 heures, ce qui compliquait beaucoup les injections, dispensées normalement le soir et que nous devions faire à partir de 16 h 30. Alors on a sauté sur l’occasion. » Aujourd’hui, chaque diabétique dispose de sa boîte hermétique. Depuis 2000, seules deux ont été retirées à leurs bénéficiaires pour indiscipline. Et un seul chantage à l’insuline a été tenté par un prisonnier.
Dernière étape : l’éducation thérapeutique.
Les infirmières surveillent les carnets de glycémie et dispensent les rudiments diététiques. Mais « comme aucun régime alimentaire ne leur est correctement dispensé, ils cantinent et mangent ce qu’ils veulent, c’est-à-dire souvent des aliments non adaptés à leur pathologie ». Les détenus disposent d’un lavabo dans leur cellule, mais sans eau chaude ni réfrigérateur ni plaque de cuisson. C’est le système D. Avec notamment l’usage toléré de « totos » (des filaments protégés qui se branchent). Les détenus ont la possibilité de cantiner une fois par semaine, c’est-à-dire d’acheter des produits alimentaires venant de l’extérieur (mais à des prix 25 % plus élevés que ceux des grandes surfaces).
Récemment, les infirmières de Fleury ont suivi une formation auprès du Dr Jean-Pierre Riveline, au sein du service de diabétologie de Corbeil-Essonnes, afin de pouvoir assurer les séances d’éducation thérapeutique.
« Fleury a été beaucoup critiqué dans son inhumanité structurelle. Notre plateau technique nous permet cependant de faire beaucoup de choses, même si ce n’est pas toujours perceptible pour les détenus qui doivent encore partager des cellules de 9 m 2, des douches collectives vétustes et peu salubres. »
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