L'insuffisance cardiaque (IC) est particulièrement fréquente chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2), avec une incidence 2,5 fois plus élevée que chez les sujets non diabétiques (1). Alors que le nombre d'infarctus du myocarde a été réduit de 25 % dans la population des patients DT2 au cours des 10 dernières années, l'incidence de l'IC est en constante augmentation, en faisant de la complication du diabète la plus préoccupante actuellement.
Le pronostic des patients présentant à la fois un diabète et une insuffisance cardiaque est très sombre, avec un taux de survie à 5 ans d'environ 50 %, pronostic plus défavorable que ce qui est actuellement observé dans la plupart des cancers. De plus, les patients DT2 atteints d'IC sont souvent hospitalisés pour des épisodes de décompensation aiguë, ce qui représente un fardeau humain et économique majeur.
Un concept qui s'est imposé grâce à l'imagerie
La cardiopathie ischémique et l'hypertension sont fréquemment associées à l'IC, chez 65 et 75 % des patients atteints de DT2, respectivement. Cependant, certains patients atteints de DT2 présentent des symptômes d'IC sans étiologie coronarienne, hypertensive, valvulaire, congénitale, infiltrative, toxique ou virale, ce qui a conduit les cardiologues à évoquer le concept de cardiomyopathie diabétique (diabetes mellitus related cardiomyopathy : DMCMP). La première description de la DMCMP remonte aux années 1970, reposant principalement sur des analyses histologiques cardiaques post-mortem. Pendant quelques décennies, l'existence même de cette atteinte cardiaque spécifique du diabète a été controversée, son diagnostic étant particulièrement difficile. Il aura fallu attendre les années 2000 et les progrès de l'imagerie cardiaque (IRM, échographie) pour permettre une meilleure caractérisation de la DMCMP (2).
Un consensus récent a clarifié les critères diagnostiques des deux formes phénotypiques de la DMCMP, la forme principale étant caractérisée par une cardiomyopathie hypertrophique, sans dilatation des cavités cardiaques et sans altération de la fonction systolique. C'est la fonction diastolique qui est initialement perturbée, du fait d'une rigidification des parois ventriculaires, aboutissant à un trouble de la compliance du tissu myocardique (3). L'analyse in vivo du strain (ou déformation myocardique) par échocardiographie ou IRM permet en théorie la détection précoce de cette atteinte cardiaque diabétique, même si ce type d'examen n'est encore que peu réalisé en routine clinique.
Une physiopathologie complexe
Les déterminants physiopathologiques aboutissant à cette rigidification myocardique sont multiples, impliquant notamment des mécanismes de fibrose de la matrice extracellulaire et de modification des propriétés mécaniques de certaines protéines constituant le sarcomère, unité contractile du tissu musculaire cardiaque. Différents mécanismes sont en cause, la glucotoxicité, la lipotoxicité, la résistance à l'insuline, l'hyperinsulinémie, la neuropathie autonome cardiaque et l'activation neurohormonale du système rénine-angiotensine.
Les anomalies du métabolisme énergétique du cœur diabétique sont actuellement au centre d'une intense recherche, notamment du fait des effets favorables des inhibiteurs SGLT2 sur cette cardiomyopathie, lesquels seraient en partie médiés par une amélioration du métabolisme myocardique (4).
Service endocrinologie-diabétologie, CHU Caen
(1) Nichols GA et al. Diabetes Care 2004;27:1879-84
(2) Joubert M et al. Diabetes Metab 2018. doi: 10.1016/j.diabet.2018.07.003. [Epub]
(3) Seferović PM et al. Eur Heart J 2015;36:1718-27
(4) Verma S et al. JACC Basic Transl Sci 2018;3:575-87
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