Le risque hypoglycémique était au coeur du congrès de la SFD (Montpellier, 26-29 mars 2013). Avec, à la fois, des études approchant enfin la réalité médico-économique des hypoglycémies dans le diabète type 2 et d’autres portant sur des techniques à même de limiter les accidents sévères dans le type 1 comme les systèmes de mesures en continu de la glycémie, voire le pancréas artificiel.
Les hypoglycémies ont longtemps été reléguées au second plan dans le diabète de type 2. Depuis quelques années, elles reviennent sur le devant de la scène, plusieurs études d’intervention (ACCORD, VADT et ADVANCE) ayant mis en exergue à partir de 2008 leurs conséquences potentiellement délétères chez certains patients. Et, désormais, l’ADA et l’EASD appellent à considérer davantage le risque d’hypoglycémie lors du traitement des diabétiques de type 2.
Malgré cela, peu de données permettent d’apprécier avec précision l’importance réelle du phénomène et ses conséquences dans la vraie vie. Trois études présentées à la SFD 2013 viennent combler en partie ces lacunes.
1 % des diabétiques de type 2 victimes d’une hypoglycémie sévère tous les ans
La première s’est intéressée aux hypoglycémies sévères. L’équipe du Pr Serge Halimi (CHU et université J. Fourier, Grenoble) a analysé de façon rétrospective, à partir des fichiers du SAMU, des pompiers, des Urgences etc., les épisodes d’hypoglycémies iatrogènes sévères survenus en 2010 au sein de la zone métropolitaine grenobloise dans les deux types de diabète.
Concernant les diabétiques de type 2 (DT2), 105 hypoglycémies sévères ont été repérées chez 99 patients, soit 0,71 hypoglycémie sévère/an/patient. En d’autres termes, un diabétique de type 2 sur cent serait victime d’une hypoglycémie sévère tous les ans.
L’âge moyen des patients concernés était élevé (73,1 ans) et 30 % avaient plus de 80 ans. Un peu moins de la moitié (44,6 %) étaient en insuffisance rénale (modérée à dialyse). Deux tiers étaient sous insuline et le dernier tiers sous insulinosécréteurs (sulfamides ou répaglinide en majorité). « Si on extrapole au territoire national, cela ferait plus de 25 000 hypoglycémies sévères/an dans le type 2, commente le Pr Halimi, pour un coût annuel de 125 millions d’euros. ». Des chiffres à multiplier par deux ou trois pour s’approcher de la réalité estime le Pr Halimi qui souligne « le grand nombre de patients qui échappent probablement au repérage ».
Des facteurs prédictifs à connaître
L’étude Dialog va dans le même sens. Selon son investigateur principal, le Pr Bertrand Cariou (clinique d’endocrinologie, INSERM UMR 1087, CHU Nantes), cette large étude observationnelle sans précédent conduite en France « montre qu’en conditions de vie réelle, la fréquence des hypoglycémies confirmées rapportées par le patient est élevée aussi bien chez les patients DT1 que chez les patients DT2 insulino-traités ». Son volet prospectif sur un mois chez 3 048 patients estime que 85,3 % des DT1 et 43,6 % des DT2 insulino-traités ont eu au moins un épisode d’hypoglycémie(13,4 % et 6,4 % d’hypoglycémies sévères). De plus, 27,9 % des DT1 et 7,7 % des DT2 ont fait au moins un épisode d’hypoglycémie asymptomatique. Un fait essentiel car ne pas ressentir une hypoglycémie fait le lit des accidents sévères.
Quant aux hypoglycémies nocturnes très handicapantes, 11,2 % des DT2 en font au moins une sur un mois (40,1 % des DT1). Sans surprise, les facteurs prédictifs d’hypoglycémies étaient un nombre d’injections ›2/j, plus de 10 ans d’insulinothérapie, une meilleure insulinosensibilité associée à un IMC moindre (<30 kg/m2), des antécédents d’hypoglycémies et la prise d’insulinosécréteurs dans le type 2.
Un retentissement important au quotidien
Même peu sévères, ces hypoglycémies peuvent retentir sur le quotidien des patients comme le souligne l’étude GAPP2. Ce travail réalisé dans 7 pays (États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, Danemark et France) a évalué la fréquence des hypoglycémies légères et modérées (HLM) chez les DT2 sous analogues de l’insuline (AI), et leur impact dans la vie courante vu par les soignants et les intéressés. Car si les soignants ont tendance à sous-estimer l’importance des HLM, côté patient le ressenti et leur sévérité sont bien différents.
Tout d’abord, GAPP2 confirme la grande fréquence des HLM : de façon rétrospective sur les 30 jours précédents l’enquête, 78 % des patients français avaient fait au moins une HLM. De plus, ces patients ressentaient, beaucoup plus que dans les autres pays, une inquiétude liée à ces hypoglycémies non sévères, lors de la conduite, au travail ou dans les relations sociales, c'est-à-dire presque la majeure partie du temps.
Par ailleurs, les investigateurs ont montré qu’il y avait véritablement un retentissement des HLM, là aussi souvent plus important chez les Français, que ce soit dans les relations de couple, la présence au travail, la faculté de se concentrer, etc. Enfin, près de la moitié des médecins généralistes n’abordait pas du tout le thème des HLM au cours des consultations, alors que ce point est crucial selon les patients. « Les HLM créent plus d’inquiétude en France que dans les autres pays alors même que 4 prescripteurs sur 10 n’en discutent pas, pensant qu’ils sont suffisamment éduqués », commente le Pr Antoine Avignon, responsable de l’unité Nutrition-Diabète (CHU Montpellier).
Enfin, les HLM sont sous-déclarées par les patients et, afin d’éviter les hypoglycémies nocturnes, 14 % des patients laissent monter leur glycémie et 7 % des patients français ne s’injectent pas leur insuline telle que prescrite.