LA CONTRACEPTION ORALE fait appel aux estrogènes de synthèse et aux progestatifs. L’estrogène naturel (estradiol) a, globalement, un effet protecteur vasculaire par le biais d’une diminution de la production du LDL cholestérol hépatique, d’une augmentation du HDL circulant, d’une modification de l’oxydabilité des LDL, d’une inhibition de la synthèse des protéines d’adhésion des monocytes et d’un effet vasodilatateur. L’éthynil estradiol (EE) contenu dans les estro-progestatifs, unique représentant des estrogènes de synthèse, a un effet inverse avec une augmentation du risque de thrombose veineuse et artérielle et une élévation des triglycérides par augmentation de la synthèse des VLDL. Il est également responsable d’une faible hausse de la pression artérielle, notamment chez les femmes qui ont déjà des chiffres limites. L’effet des progestatifs est très variable selon la molécule. Hormis les macroprogestatifs à activité anti-androgénique forte (dérivés de la 19 norstéroïde), qui peuvent entraîner un risque d’insulino-résistance et de répercussion sur le cholestérol, les microprogestatifs non androgéniques n’ont pas d’effets sur l’hémostase, aucune influence sur la pression artérielle, pas d’effet sur le métabolisme lipidique. La question de l’impact des microprogestatifs sur le risque de cancer du sein reste débattue à ce jour, compte tenu du peu d’études réalisées. Cependant, en 1996, une méta-analyse concluait à l’absence de modification significative de risque, quelle que soit leur durée d’utilisation.
Ainsi, le choix d’une contraception tiendra compte de ses effets pour une adéquation de la méthode à l’histoire particulière de chaque femme, selon ses facteurs de risque cardio-vasculaires, gynécologiques ou endocriniens.
L’efficacité est à privilégier chez les adolescentes.
La contraception en France est dominée par la pilule qui est utilisée par 75 % des femmes en âge de procréer. Si, comme le disait l’ANAES en 2004 « la contraception estroprogestative et la contraception progestative sont efficaces dans leur emploi courant et très efficace en utilisation optimale », l’acceptabilité de la méthode et la compréhension de son mécanisme par la patiente sont essentielles pour qu’en pratique aussi, la contraception soit efficace. Le profil médical des jeunes patientes se prête généralement à un large choix de molécules contraceptives. Il faut, bien sûr, éliminer le risque thrombo-embolique veineux (antécédents de thrombophilie documentée dans la famille et de maladie thrombo-embolique veineuse personnelle) contre indiquant les estroprogestatifs, et les pathologies sénologiques à type de cancer, d’hyperplasies atypiques ou de mutation BRCA1 ou BRCA2, contre-indiquant toute contraception hormonale. Une première prescription contraceptive doit faire l’objet d’un entretien approfondi avec la patiente, au cours duquel il faut l’informer des effets secondaires éventuels de la méthode, notamment, avec la contraception progestative du risque éventuel de spotting ou de la survenue d’une aménorrhée, afin d’éviter les interruptions de prises. Il peut s’agir d’arrêts qui se produisent durant les trois premiers mois pour 50 % des adolescentes et, également, d’oublis. Les oublis de pilules sont plus fréquents qu’on ne le croit. Dans une étude réalisée en 2002 chez l’ensemble des femmes prenant une contraception orale, 23 % d’entre elles avaient oublié au moins une pilule une fois au cours du cycle précédent. Si l’on s’intéresse aux trois mois précédents, ce chiffre s’élevait à 60 %. « Ces oublis sont encore plus fréquents chez les adolescentes et il faut aborder cette possibilité avec elles, il faut savoir les prévoir en leur expliquant la marche à suivre suivant la durée de l’oubli et en n’hésitant pas à prescrire, en même temps que la contraception, la pilule du lendemain. » En termes de délai d’oubli, la tolérance est de 12 heures pour les contraceptifs estroprogestatifs et pour le microprogestatif au désogestrel 75 µg. Elle n’est que de 3 heures pour les autres microprogestatifs, renforçant la contrainte de prise. « Après une première prescription, il est important de revoir la patiente dans les 2 à 3 mois qui suivent afin de vérifier l’acceptabilité de la méthode et sa bonne observance », recommande le Dr Letombe, préoccupée comme toute la profession par la persistance d’un taux important d’interruption de grossesse chez les adolescentes.
L’avancée en âge modifie l’approche contraceptive.
Le risque vasculaire artériel (infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux) sous contraception estroprogestative augmente avec la dose d’EE, mais également avec l’âge. La mortalité due aux maladies cardio-vasculaire chez les femmes qui fument et qui sont sous estroprogestatifs, double dans la tranche d’âge 40-44 ans comparée à celles qui sont non-fumeuses. « Cette constatation justifie de proposer des COP de moins en moins dosées en EE quand la femme avance en âge, ce dernier devenant en soi un facteur de risque à partir de 35 ans » spécifie le Dr Letombe. Le tabac aggrave le risque. Sous COP, le risque d’IDM, qui est de 2,2 à 30 ans, passe à 10,6 si la femme fume. A 40 ans, ce risque qui est de 7,1 sous COP passe à 58,6 en cas de tabagisme. D’autres pathologies, associées à la prise d’estroprogestatifs, augmentent le risque, comme le diabète, une hypercholestérolémie, une migraine vraie, un syndrome métabolique ou une hypertension artérielle. Le syndrome métabolique associe un périmètre abdominal supérieur à 80 cm, des tryglicérides › 1,5 g/l, un HDL cholestérol › 0,40 g/l, une pression artérielle › 130/85 mmHg, et une hyperglycémie modérée à jeun (1,10 à 1,26). Il touche aujourd’hui 20 % des femmes, et multiplie le risque cardio-vasculaire par 2 à 3 rendant de ce fait déconseillée une contraception estroprogestative. L’HTA multiplie par 3 le risque d’accident ischémique cardiaque ou cérébral et par 10 le risque d’accident cérébral hémorragique. « Même si, en valeur absolue, ces accidents restent très rares, ces situations sont à prendre en compte et chez ces femmes qui ont des facteurs de risque cardio-vasculaire et qui souhaitent une contraception hormonale, il faut se tourner vers la contraception progestative pure », recommande le Dr Letombe.
Les avantages de la contraception progestative.
L’objectif des contraceptions sans estrogènes est d’éviter l’effet de passage hépatique de l’EE et ses retentissements cardio-vasculaires et métaboliques et de diminuer les estrogènes endogènes par effet antigonadotrope, ce qui permet d’obtenir un lissage des fluctuations hormonales. « La cyclicité des sécrétions hormonales est responsable d’une symptomatologie souvent gênante : céphalées, mastodynies, dèmes, dysphorie. Ce syndrome prémentruel disparaît sous contraception progestative continue, ce qui représente un bénéfice important en termes de qualité de vie et qu’il faut souligner davantage aux patientes » Parmi les microprogestatifs oraux, seul le désogestrel 75µg bloque le fonctionnement ovarien dans 97 % des cas - alors que cet effet est plus inconstant avec les autres microprogestatifs (50 % des cas) - tout en maintenant une sécrétion d’estrogène endogène suffisante pour éviter le risque d’ostéoporose. L’implant à l’étonogestrel, qui est un métabolite du désogestrel, a les mêmes caractéristiques et peut être proposé aux femmes qui ont un problème d’observance.
› Dr LAURIE DANJOU
*Service de gynécologie de l’hôpital Jeanne-de-France, Lille
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