LES MÉDECINS ont-ils prescrit le Mediator hors AMM larga manu ? Sensible question sachant que toute prescription hors AMM renforce la responsabilité du prescripteur. Les seules données officielles figurent dans le rapport de l’URCAM de Bourgogne publié en 1998. L’URCAM a analysé 568 prescriptions de Mediator datant d’avril 1997. « Dans 35 % des cas, indique le rapport, les indications thérapeutiques ne sont pas respectées. Ce taux monte à 43 % chez les patients de sexe féminin. Or 69 % des prescriptions concernent des femmes. » Dans près de neuf cas sur dix, le Mediator, lorsqu’il a été prescrit hors AMM à une femme, visait la perte de poids.
Me Catherine Paley-Vincent a récemment défendu un chirurgien accusé par sa caisse primaire d’avoir prescrit du Mediator sans la mention NR (non remboursable) sur l’ordonnance. L’avocate a démontré qu’il s’agissait d’amaigrir les patients obèses avant de les opérer. Sans succès : le chirurgien a été condamné en 2e instance par le CNOM. L’absence de mention NR a été perçue comme « une faute ». « Les médecins doivent savoir que plusieurs d’entre eux ont été condamnés pour avoir prescrit le Mediator hors AMM sans la mention NR. Le risque est de devoir rembourser les boîtes concernées », observe Me Paley-Vincent. Entre 2000 et 2010, l’Ordre des médecins a condamné 75 médecins pour détournement de médicaments (dont le Mediator) par rapport à leurs indications remboursables. Ces praticiens ont reçu un blâme, certains ont été interdits d’exercice quelques mois, d’autres ont dû rembourser la totalité des médicaments prescrits hors AMM.
Le médecin ne doit faire prendre aucun risque injustifié à son patient : l’avocate appelle les praticiens à se replonger dans leurs dossiers pour trouver la justification de leurs prescriptions. « Qui dit relire son dossier ne veut pas dire refaire son dossier, met-elle toutefois en garde. Une fiche refaite, cela se voit au premier coup d’œil. Les experts savent repérer les dates modifiées ». L’avocate reçoit de nombreux appels de médecins inquiets. « Ceux qui risquent de se faire allumer sont ceux qui ont prescrit le Mediator sur de longues périodes et à beaucoup de monde », anticipe-t-elle.
La justification de la prescription, essentielle pour la défense du médecin, manque parfois à l’appel. L’URCAM de Bourgogne a ainsi relevé de nombreux « trous » au sein des dossiers médicaux passés en revue en 1997 : « 20 % des médecins ne peuvent pas fournir d’information sur le poids et la taille de leur patient, lit-on dans le rapport de l’assurance-maladie. 45 % ne retrouvent pas, ne possèdent pas ou n’ont pas fait réaliser de bilan biologique, et enfin 66 % des patients ne présentent pas d’obésité avérée (IMC‹30) ou tout au moins ne justifient pas de tels traitements. Par ailleurs, deux patientes présentent un état de maigreur (IMC‹20). » Et l’URCAM de s’interroger « sur les raisons qui ont poussé le médecin à prescrire en dehors de l’indication thérapeutique ».
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