Tout se précipite pour le pancréas artificiel. L'agence américaine du médicament, la FDA (Food and Drug Agency), a autorisé fin septembre 2016 le premier système de délivrance d'insuline en boucle fermée (« closed loop system » en anglais), le MiniMed 670G de Medtronic, chez les sujets de plus de 14 ans. Si l'Europe est plus prudente, la voie est ouverte et l'émulation devrait jouer à plein pour booster les nombreux systèmes concurrents en développement.
C'est un pas déterminant qui a surpris jusqu'à l'industriel lui-même, semble-t-il, pris de court pour la production. La commercialisation outre-atlantique n'est pas prévue avant le printemps 2017. La FDA croit au pancréas artificiel et veut le mettre à disposition des patients « le plus vite possible », explique Alberto Gutierrez, chef de service dans le département des dispositifs médicaux et radiologiques à la FDA. « Nous encourageons les industriels à travailler étroitement avec l'agence (...) afin d'accélérer l'évaluation de la FDA et l'autorisation de nouveaux dispositifs qui peuvent faire une différence pour les patients », développe-t-il.
Meilleur équilibre du diabète
Plus de liberté, moins d'hypoglycémies, meilleur équilibre du diabète, le pancréas artificiel ne manque pas d'atouts. Par rapport aux pompes à insuline classiques, ce système composé d'un capteur de glycémie en continu et d'une pompe à insuline présente l'avantage de fonctionner de façon automatique grâce à un troisième composant, un algorithme calculant la dose d'insuline, embarqué dans la pompe ou dans un smartphone. L'arrivée des pompes patchs, comme le modèle d'Insulet depuis avril 2016 ou celui de CellNovo (Debiotech), quasi-pompe patch avec un cathéter court de quelques centimètres, offre un perfectionnement supplémentaire.
Le Pr Éric Renard, diabétologue au CHU de Montpellier, ne cache pas son étonnement d'une autorisation aussi rapide et appelle à la prudence lors d'une diffusion commerciale large. « L'arrivée du premier système est un signal très positif pour les patients, estime-t-il. Mais il ne faut pas brûler les étapes et le système n'a pas encore l'aval européen. Pour Medtronic, il faut savoir que les données scientifiques se résument à une seule étude observationnelle sur 3 mois, sans bras contrôle, et chez des sujets sélectionnés sans hypoglycémies sévères. ».
Une éducation robuste est nécessaire
En vie réelle, les choses peuvent être très différentes. « Les patients les moins compliants sont aussi les plus demandeurs, poursuit le diabétologue. Or à ce stade, ce ne sont pas les meilleurs candidats. Seront-ils assez vigilants pour éviter l'acido-cétose si un cathéter se bouche ? Une éducation robuste est nécessaire, ce n'est pas à mettre entre toutes les mains. Espérons que Medtronic saura être à la hauteur de l'enjeu grâce à la solidité de son réseau d'infirmières ».
Les systèmes en boucle fermée essaient de garantir une sécurité maximale sur les hypoglycémies. Tous sont dits hybrides, car ils ne sont pas automatiques mais semi-automatiques avec une partie manuelle pour les repas. « Il faut annoncer la quantité de glucides d'un repas, explique Éric Renard. Tant qu'il n'existera pas d'insuline plus rapide, il sera nécessaire de valider la proposition faite par le calculateur de bolus ». Au moins deux insulines plus rapides sont en phase III, par les laboratoires CellNovo et Eli Lilly.
D'autres systèmes en boucle fermée sont avancés dans leur développement, en particulier « le système DiAs de l'université de Virginie, celui de l'université de Cambridge ou encore le projet israélien Dream qui ont le plus d'antériorités dans les études », estime le Pr Renard. À côté de ces systèmes à insuline, d'autres développent des modèles mixtes bi-hormonaux, avec insuline et glucagon, avec en tête le Beta Bionics de l'équipe des Drs Damiano et Russell à Boston. « C'est intellectuellement intéressant mais fragile en pratique, explique Éric Renard. Le bénéfice du glucagon est faible par rapport aux contraintes. L'équipe de Boston a été freinée dans sa stratégie insuline à fond - glucagon à fond et valide d'abord un modèle à insuline seule. »
Gain sur la qualité de vie
Le système bi-hormonal nécessite deux pompes et le glucagon n'étant pas stable, il faut changer le réservoir tous les jours. « De plus, les effets d'une administration au long cours sont mal connus, souligne Éric Renard. C'est vrai notamment pour le risque cardiaque, car le glucagon se fixe sur un récepteur proche de l'hormone de croissance. » L'équipe de Montréal lance un système bi-hormonal un peu différent, où le glucagon vient en sécurité supplémentaire à l'algorithme.
« Le pancréas artificiel offre un gain sur la qualité de vie par rapport à une pompe à insuline, conclut le Pr Renard. Mais les patients se sentent encore contraints avec des déconnexions et des alertes fréquentes. Aujourd'hui, les meilleurs bénéfices sont attendus chez des patients avec hypoglycémies, technophiles et investis dans la gestion de leur diabète, et chez les enfants, qui sont sujets aux hypoglycémies nocturnes. Pour les patients mal équilibrés, il faut en connaître la raison. Si c'est un manque d'investissement, la boucle fermée ne va pas tout résoudre à elle seule. le pancréas artificiel nécessite un accompagnement ».
Voir aussi : « Pancréas artificiel, les explications du Pr Eric Renard (CHU de Montpellier) [vidéo]
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