LE LIVRE intéressera tous ceux qui souhaitent mettre leurs observations quotidiennes en parallèle avec une réflexion sociologique sans céder à la simplification excessive. S’agissant de l’obésité, derrière l’apparent consensus des controverses scientifiques, s’affrontent des conceptions plus ou moins contradictoires avancées par des acteurs aux intérêts plus ou moins divergents (industrie agroalimentaire, pharmaceutique, association de consommateurs, acteurs de santé publique..). Envisager une approche sociologique de ce phénomène ne revient donc pas seulement à évoquer ses déterminants sociaux les plus évidents ou le poids des modèles esthétiques culturels mais à saisir l’intrication de ces facteurs, dit ce sociologue toulousain. À cet effet, il propose un intéressant parcours dans l’histoire conceptuelle et les débats qui traversent le champ scientifique de l’obésité, pour mieux cerner les stratégies conflictuelles et les jeux de concurrence entre ces différents intervenants.
Son état des lieux concerne aussi bien les connaissances sociologiques en matière d’obésité que l’analyse des déterminants sociaux ou des politiques économiques et permet de souligner les limites de l’approche strictement individuelle comme l’impact de la précarisation sur les pratiques alimentaires. L’obésité a un impact majeur sur les trajectoires sociales intra- et intergénérationnelles qui, elles-mêmes, en retour, aggravent son développement, explique l’auteur en soulignant le malheur des obèses dans les sociétés modernes comme la tendance excessive à la normalisation.
L’impact de la médicalisation.
Mais il ne suffit pas de délivrer des messages de bonne conduite alimentaire ou d’autres conseils sanitaires de bon sens pour que le phénomène régresse. Ni de stigmatiser certains groupes sociaux. Les choses sont plus compliquées et si la différentiation sociale de la corpulence est peu contestable et perceptible par tout le monde, l’impact de la médicalisation de l’obésité ou de la nutrition est beaucoup moins évident mais pourtant peut-être pas moins négligeable. Il faut donc sans doute procéder autrement : développer la recherche par exemple, sur la cellule adipeuse, la génétique de l’obésité ou les comportements alimentaires ; et favoriser l’évaluation des moyens de lutte avant d’agir à l’aveugle. Si la thématique centrale de l’ouvrage concerne l’apport des sciences sociales à la compréhension et aux solutions à apporter à ce phénomène devenu « sujet de société », Jean-Pierre Poulain explique néanmoins largement l’apport des autres disciplines (médecine, épidémiologie, psychologie, etc.) et la façon dont elles peuvent s’enrichir mutuellement pour lutter contre l’obésité sans stigmatiser les obèses et leur entourage comme pour définir des stratégies préventives et thérapeutiques efficaces.
Jean-Pierre Poulain, « Sociologie de l’obésité », Puf, coll. « Sciences sociales et sociétés », 358 pages, 28 euros.
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