« JE PENSE que l’AFSSAPS ne s’est pas suffisamment intéressée aux médecins traitants ; ce sont eux, pourtant, qui prescrivent, ce sont eux qui ont les malades en face d’eux, ce sont eux qui utilisent le médicament. »
Directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé depuis le 22 février, le Pr Dominique Maraninchi, veut s’adresser directement aux médecins afin qu’ils se sentent infiniment plus concernés par la politique du médicament. « C’est le sens profond de ma démarche et de l’action que je compte mener », explique-t-il au « Quotidien ».
Et pour illustrer l’importance de cette nouvelle politique, le cancérologue prend pour exemple « la publication de la liste des médicaments » rendue publique dans un premier temps et des spécialités montrées du doigt sans que les médecins n’aient réellement été contactés par les autorités sanitaires. Or les médecins, insiste le Pr Maraninchi, devraient être réellement informés, et « être les premiers informés » de tout ce qui se passe dans le monde du médicament et de l’actualité médicale.
Ils devraient d’abord être informés du rapport bénéfice/risque, pour les anciens médicaments comme pour les nouveaux et de ceux qui sont remis en question sans « créer, insiste le directeur de l’AFSSAPS, nécessairement une ambiance de panique ».
Ainsi, pour le cas récent d’un médicament, le Vastarel et ses génériques, l’autorité sanitaire a lancé une mesure de suspension en faisant valoir que la réévaluation du rapport bénéfice/risque avait conduit à cette décision. « Une décision qui a été prise sans que l’on crée une réaction de panique. »
Lettre aux médecins.
Même politique concernant la pioglitazone et les antidiabétiques concernés par cette molécule. Le danger explique le Pr Maraninchi était de faire « l’amalgame avec le Médiator ». Ces deux affaires ne sont pas comparables. Pour la pioglitazone, l’AFSSAPS, après l’alerte lancée en septembre 2010 par les autorités sanitaires, a décidé peu après une réévaluation du rapport bénéfice/risque, avant de lancer une grande étude pharcamaco- épidémiologique. Ainsi, explique le directeur de l’Agence, « plus d’un million de diabétiques de type 2 vont être passés au crible par la CNAM, dont 200 000 traités par pioglitazone ».
Reste que la commission de pharmacovigilance conseille la suspension des médicaments alors que la commission d’AMM souhaite attendre le verdict de l’Agence européenne avant de prendre toute décision. Deux attitudes qui, sans être contradictoires, peuvent laisser perplexes bien des prescripteurs. Le Pr Maraninchi, n’en disconvient pas. « J’ai décidé, explique-il, de prendre une décision intermédiaire. Et d’écrire aux professionnels de santé et aux médecins traitants pour leur expliquer la situation et leur dire, que lorsqu’ils avaient un malade à qui ils voulaient prescrire de la pioglitazone et/ou renouveler son ordonnance, de considérer avec une attention particulière le risque additionnel de cancer de la vessie. J’en ai bien sûr averti l’Ordre, les principaux syndicats et l’Association française des diabétiques. Cette initiative a été bien accueillie et a surtout évité toute panique. » Tant chez les médecins que chez les patients.
L’important est donc de privilégier la relation de l’Agence avec l’ensemble des professionnels de santé et d’abord avec les médecins. C’est un changement culturel pour une plus grande efficacité, insiste le directeur de l’AFSSAPS. La recommandation de l’AFSSAPS et de son directeur aux médecins traitants est donc ne pas interrompre le traitement de leurs malades diabétiques « tout en prenant en compte et en reconsidérant les facteurs de risques ». Même si la décision finale appartient évidemment au médecin. « À lui de savoir s’il doit poursuivre, renouveler ou interrompre le traitement à son malade ; à nous de lui donner toutes les informations nécessaires et indispensables à sa prise de décision », insiste le Pr Maraninchi.
Preuve encore de ce souci d’information de l’AFSSAPS : le problème de l’augmentation de l’hypertension artérielle pulmonaire chez les malades prenant du dasatinib et atteints de leucémie myéloïde chronique. Les cas sont peu nombreux, mais, précise le directeur de l’AFSAPS, nous avons averti les hématologistes pour les informer de cette complication, certes connue, pour qu’ils puissent prendre des précautions et leur recommander de surveiller les HTAP. Pour autant, ce médicament est un bon médicament, insiste encore le patron de l’AFSSAP, mais « notre mission d’information est avant d’alerter les médecins, pour les aider dans leur choix thérapeutique et évidemment dans leur prescription ».
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