C’est en décembre dernier que la Société Francophone du Diabète (SFD) a réactualisé sa prise de position sur la prise en charge médicamenteuse du diabète de type 2 (DT2) publiée en 2017. « Nous avions annoncé que le texte serait réactualisé tous les deux ans. Cela est nécessaire car, dans ce domaine, les données de la science avancent vite », indique le Pr Patrice Darmon, endocrinologue-diabétologue au CHU La Conception à Marseille et coordinateur de la rédaction de ce document.
Dans cette réactualisation, la SFD a fait « un choix fort », celui d’intégrer dans ses algorithmes de décision une nouvelle classe thérapeutique qui n’est pas encore disponible en France : les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2). « Nous sommes nombreux à estimer qu’il y a une certaine anomalie au fait que ces médicaments ne soient pas accessibles dans notre pays. En effet, ces produits commercialisés un peu partout dans le monde sont aujourd’hui en positionnement préférentiel pour la prise en charge du DT2 dans toutes les recommandations internationales. Et depuis deux ans, des essais indiscutables ont démontré le rôle cardio et néphroprotecteur de cette classe thérapeutique, dont le rapport bénéfices risques apparaît largement favorable », souligne le Pr Darmon.
Maladie rénale chronique, insuffisance cardiaque
C’est la raison pour laquelle la SFD a notamment fait évoluer sa position pour les patients ayant une maladie rénale chronique (insuffisance rénale chronique avec un DFG inférieur à 60 et/ou albuminurie positive). « Dans ce cas, le traitement de première intention reste la metformine (sous réserve que le DFG soit supérieur à 30 ml/min) mais ensuite, on a choisi de positionner les inhibiteurs de SGLT2 car ils ont démontré une néphroprotection sans équivalent chez ces patients. Si on ne peut pas donner ces thérapeutiques, alors on conseille d’utiliser des agonistes des récepteurs du GLP-1 qui ont également démontré un effet de néphroprotection, mais moins marqué qu’avec les inhibiteurs de SGLT2 », indique le Pr Darmon, en précisant que la préconisation reste sensiblement la même chez les patients DT2 avec insuffisance cardiaque. « Là encore, la metformine reste le traitement de première intention sauf chez les patients avec une insuffisance cardiaque instable. En cas d’échec avec la metformine, on conseille les inhibiteurs de SGLT2, qui apportent un bénéfice très clair. À défaut, là aussi, on conseille d’opter pour un agoniste des récepteurs du GLP-1 ».
La SFD a toutefois tenu à apporter un petit bémol pour les patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée (< 40%). « Il existe deux études qui suggèrent un possible surrisque avec l’un des GLP-1 chez ce type de patients. Donc, on préconise la prudence avec cette classe en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée ».
Un dernier changement notable concerne les stratégies thérapeutiques chez les patients DT2 avec maladie cardiovasculaire avérée. « En 2017, on classait dans cette catégorie les patients que l’on avait l’habitude d’appeler en prévention secondaire : ceux ayant fait un infarctus du myocarde, un AVC ou ayant bénéficié d’un geste de revascularisation. Désormais, on pense qu’il faut aussi inclure les patients avec une lésion athéromateuse significative. Chez tous ces patients, la metformine arrive en première ligne. En cas d’échec, on met à égalité les inhibiteurs de SGLT2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1 ayant fait la preuve de leur cardioprotection », indique le Pr Darmon.
Des objectifs individualisés
Pour le reste, la réactualisation concerne les objectifs glycémiques qui ont été un peu affinés. « On est toujours avec l’idée d’un objectif qui doit être individualisé en fonction du profil clinique et biologique de chaque patient, de son âge et de ses comorbidités. La règle est toujours d’avoir une HbA1c inférieure à 7 % chez la plupart des patients diabétiques de type 2. Pour certains, notamment chez les patients jeunes avec un diabète récent sans pathologie cardiovasculaire ni comorbidités, on peut envisager de descendre à 6,5 % si cette valeur peut être atteinte sans médicament entraînant des hypoglycémies. En revanche, chez des patients âgés ou fragiles, avec des comorbidités importantes, on peut proposer une borne à 8 %, voire, chez les plus vulnérables à 8,5 % ou même 9 % en fin de vie », indique le Pr Darmon, en ajoutant que la principale nouveauté concerne les patients fragiles recevant des traitements pouvant donner des hypoglycémies (insuline, sulfamides, glinides). « Pour ces patients particuliers, on propose une borne inférieure d’HbA1c. On conseille aux cliniciens de ne pas descendre en dessous d’un certain seuil, 7 % ou 7,5 % selon les cas, pour limiter le risque d’hypoglycémie ».
Un autre changement concerne les patients en bi ou en trithérapie orale qui doivent recevoir un traitement injectable. « Jusque-là, on positionnait les agonistes des récepteurs du GLP-1 au même niveau que l’insuline. Mais désormais, on estime que la prescription d’un GLP-1 doit précéder celle de l’insuline, sauf bien sûr cas particuliers de patients présentant des signes cliniques ou biologiques de carence insulinique marquée. Nous disposons maintenant d’agonistes des récepteurs du GLP-1 administrés en une seule injection hebdomadaire, qui ont une efficacité au moins équivalente à celle de l’insuline basale, sans hypoglycémie et avec le plus souvent une perte de poids ».
Entretien avec le Pr Patrice Darmon, endocrinologue-diabétologue au CHU La Conception à Marseille.
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