Voilà des décennies que l'idée de stimuler de façon pharmacologique la dépense énergétique dans le but d'aider à la perte de poids de sujets obèses occupe les chercheurs, en particulier des grands groupes pharmaceutiques (on le comprend !).
Une approche consiste à administrer des agonistes des récepteurs β3-adrénergiques et ainsi à stimuler la dépense énergétique et la thermogenèse par des effets sympathicomimétiques, par le biais d'un accroissement de la quantité et de l'activité du tissu adipeux brun (TAB) riche en de tels récepteurs (ce qui est aussi le cas du muscle detrusor vésical, nous y reviendrons).
Mais cette approche, qui a débuté dès les années 1980, efficace sur des modèles animaux, s'est toujours heurtée à la sélectivité insuffisante des agonistes β3 testés, qui ont tous entraîné des effets indésirables sérieux chez l'humain (tachycardie et effets tensionnels surtout).
Une étude de dose
Cette étude (1) porte sur un nouveau composé le mirabegron qui serait cette fois beaucoup plus sélectif. Elle visait à mesurer la dépense énergétique aiguë (DE), la température cutanée supraclaviculaire (lieu de concentration du TAB) et les effets CV à 4 doses de mirabegron.
L'étude a porté sur 17 sujets sains et non obèses (11 hommes, six femmes) qui ont reçu une dose croissante et unique de mirabegron par paliers – 50, 100, 150 et 200 mg sur quatre jours, séparés avec 3 à 14 jours de wash-out entre chaque dose. Différentes variables (PAS et PAD et fréquence cardiaque) ont été mesurées, ainsi que les effets sur le TAB, estimés par la DE ainsi que la température cutanée supraclaviculaire.
Un effet spécifique à concentration modérée
La DE a augmenté de manière significative après les doses de 100 mg et de 200 mg et tendait à augmenter après 150 mg. Quant à la température cutanée supraclaviculaire elle un peu augmenté, uniquement à la dose de 100 mg.
Le changement de PAS était plus marqué aux doses de 150 (7,1 à 1,3 mm Hg) et de 200 mg (9,3 à 1,9 mm Hg), qu'à la dose de 50 mg (2,2 à 1,3 mm Hg ; p ≤ 0,05). Le changement fréquence cardiaque était de 9,0 à 2,2 bpm après 200 mg vs 2,9 à 1,4 bpm après 50 mg.
Au total, la dose de 100 mg de mirabegron augmente la dépense énergétique et la température supraclaviculaire cutanée de manière spécifique, avec des élévations jugées acceptables de la PA et de la fréquence cardiaque, qui sont plus marquées aux doses plus élevées, évoquant alors une perte de spécificité de cet agoniste.
De nombreuses réserves
Toutes les doses de mirabegron ont augmenté la DE (de l'ordre de 10 à 15 % sous 100 mg)... y compris celles qui n'ont eu que très peu d'effets sur la PA et la FqC. En somme, seules des doses 100 mg ou moins pourraient éventuellement trouver un usage thérapeutique de l'obésité.
Ici bien entendu, en administration aiguë, il ne pouvait être question de mesurer les effets pondéraux. Il s'agissait d'ailleurs de sujets témoins sains et non obèses.
Cette étude dite de preuve de concept nous laisse cependant sur notre faim, les réserves des auteurs eux-mêmes sont nombreuses. Ils ont en particulier observé une variabilité interindividuelle significative en ce qui concerne les réponses cardiovasculaires à chaque dose ! Ceci doit rendre encore plus prudent.
Il semble qu'une fois encore, cette piste thérapeutique soit bien loin d'aboutir. Peut-être n'est-il pas inutile de persévérer d'autant qu'à faible dose, le mirabegron pourrait s'avérer utile chez les sujets ayant un syndrome de vessie dite hyperactive... Ce n'est certes pas le même marché.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes (Grenoble)
(1) Loh RKC, Formosa MF, La Gerche A et al. Acutemetabolic and cardiovascular effects of mirabegron in healthy individuals. Diabetes Obes Metab. 2019 Feb;21:276-84.doi: 10.1111/dom.13516.
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