L’ANNONCE DE L’ARRÊT prématuré de l’étude ACCORD avait été faite au congrès de l’American Diabetes Association (ADA) l’an dernier, en raison d’une surmortalité dans le groupe traitement intensif avec pour objectif une HbA1c inférieure à 6 % par rapport au groupe assigné à un traitement conventionnel dont l’objectif était une HbA1c comprise entre 7 et 7,9 %. Plusieurs hypothèses avaient été invoquées pour expliquer cet excès de mortalité, au premier rang desquelles les hypoglycémies et la baisse rapide de l’HbA1c. Des conclusions pratiques en avaient été tirées, en résumé : attention au traitement trop intensif et à la recherche d’un contrôle trop rapide et trop strict de la glycémie.
L’analyse présentée un an plus tard lors du même congrès va relancer le débat en posant plus de questions que de réponses. Il apparaît en effet que ni une HbA1c basse, ni sa diminution rapide, ni les hypoglycémies n’expliquent la surmortalité observée chez les patients soumis au traitement intensif. Si la survenue d’une hypoglycémie sévère est associée à un risque accru de décès dans les deux groupes, les patients du groupe traitement intensif ayant eu une hypoglycémie sévère ont un risque de décès plus faible que ceux du groupe traitement conventionnel. Ce sont les sujets qui ont l’HbA1c la plus élevée qui présentent le plus d’épisodes d’hypoglycémie.
Sur les 451 décès enregistrés au cours de l’étude, un seul a pu être attribué à une hypoglycémie sévère. De plus, une baisse importante de l’HbA1c au cours de la première année s’est révélée associée à un risque moindre de décès. Il semble que les patients qui ne parviennent pas à l’objectif glycémique soient ceux qui ont le taux de mortalité le plus élevé.
Traitements et objectifs doivent être individualisés.
Des résultats corroborés par une nouvelle analyse de l’étude VADT, qui avait conclu l’année dernière à l’absence de bénéfice cardio-vasculaire d’un traitement intensif. Elle montre, en effet, que les patients dont le diabète est connu depuis plus de quinze ans ont un risque accru de survenue d’événement cardio-vasculaire sous traitement intensif, alors que ceux dont la maladie est plus récente (de quatre à quinze ans) tirent, au contraire, un bénéfice d’une approche intensive. Les diabétiques diagnostiqués depuis moins de trois ans, et dont le traitement initial avait donc échoué (c’était le critère d’inclusion dans VADT), ont un risque légèrement – mais non significativement - augmenté. Les auteurs ont, en revanche, mis en évidence une relation étroite entre le taux d’HDL cholestérol et les mortalités cardio-vasculaire et globale, dans les deux groupes.
Les rapporteurs de ces nouvelles analyses des études ACCORD et VADT en concluent que le traitement antidiabétique et ses objectifs doivent être individualisés… Si « plus tôt et plus fort » peut convenir à certains patients dont le diabète est relativement récent et qui répondent bien au traitement initial, l’objectif d’HbA1c doit être sans doute moins ambitieux pour d’autres.
En attendant la poursuite des analyses en cours pour expliquer la surmortalité observée dans le groupe intensif d’ACCORD et une éventuelle réévaluation des recommandations, le message est donc « retour à la clinique », comme le font tous les médecins confrontés à cette maladie complexe et hétérogène…
D’après une conférence de presse des Prs Matthew Riddle (étude ACCORD, Portland, États-Unis) et William Duckworth (étude VADT, Phoenix, États-Unis) lors des 69es sessions scientifiques de l’American Diabetes Association, La Nouvelle-Orléans.
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