Les patients avec diabète ont un niveau de risque cardiovasculaire (RCV) plus élevé que la population non diabétique. Lorsqu’ils sont asymptomatiques sans antécédent de maladie coronarienne (MC), ils sont classés a priori, selon les recommandations nationales, comme étant « à haut risque » ou « à très haut risque » coronarien. Mais la stratification plus précise de ces patients, en mesurant leur score calcique coronaire (CAC), en catégories à risque modéré, élevé et très élevé, pourrait permettre de mieux adapter les objectifs thérapeutiques et le traitement… et de ne dépister l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) que dans la sous-population de patients à très haut risque coronarien.
Dans quelle mesure le CAC peut-il reclassifier le risque coronarien, évalué a priori, chez ces patients diabétiques asymptomatiques ? Le dépistage de l’IMS/de la sténose coronarienne offre-t-il une meilleure sensibilité chez les patients classés a priori « haut risque » et/ou reclassés à très haut risque selon leur score CAC ? C’est ce qu’a cherché à élucider une étude rétrospective, incluant 377 patients diabétiques (339 DT2) asymptomatiques en prévention primaire répondant à ces critères (1).
Tous ont eu un score CAC mesuré et ont bénéficié d’une scintigraphie myocardique d’effort pour détecter une ischémie myocardique. Quand celle-ci était identifiée, les patients ont ensuite bénéficié d’une angiographie coronarienne pour repérer les sténoses coronaires.
Résultats, parmi les patients sélectionnés, 242 avaient un risque coronarien évalué a priori comme élevé et 135 comme très élevé. Après prise en compte du CAC, les premiers ont été reclassés en trois catégories de risque : modéré (n = 159, 66 %), élevé (n = 38) et très élevé (45 patients). Une ischémie myocardique a été identifiée chez 35 patients et des sténoses coronaires chez 14 d’entre eux.
Si une scintigraphie d’effort n’avait été réalisée que chez les 135 patients a priori à très haut risque, 18 patients auraient été détectés avec une ischémie (sensibilité 51 %) et 9 avec des sténoses coronaires (sensibilité 64 %). Si une scintigraphie avait également été réalisée sur les 45 patients à très haut risque après reclassification CAC, 7 et 5 patients supplémentaires présentant respectivement une ischémie et des sténoses coronaires auraient été identifiés.
Deux tiers de patients reclassés à la baisse, 18 % à la hausse
De plus, 66 % de cette population de personnes diabétiques asymptomatiques a priori à haut risque coronarien ont été reclassées par suite du CAC dans la catégorie à risque modéré, ce qui se traduit par des objectifs moins stricts pour le contrôle des facteurs de risque. Et 18 % ont été reclassés dans la catégorie à très haut risque, conduisant à une sensibilité de détection de 100 % pour les patients présentant une ischémie et des sténoses coronaires. La classification des risques cardiovasculaires est une aide à la décision pour identifier les patients nécessitant les mesures préventives les plus fortes avec le meilleur rapport bénéfice/préjudice, et la reclassification CAC en fait donc partie.
Cette mesure pourrait également aider à améliorer l’observance des patients. Les auteurs observent que le dépistage des individus à très haut risque (c’est-à-dire à la fois a priori et CAC reclassés combinés) d’IMS, tel que proposé par les recommandations françaises, a fourni une bonne sensibilité de détection de l’association ischémie myocardique asymptomatique et sténoses coronaires.
Un examen à réhabiliter
Ce travail est doublement intéressant. D’abord il confirme l’importance qu’occupe aujourd’hui le score calcique en cardiologie, en particulier chez les diabétiques. Un examen très longtemps boudé et peu médiatisé par les cardiologues, pour des motifs plus matériels que scientifiques. Ensuite, ce travail indique bien que le score ESC de risque CV (repris par la SFD) doit et peut être amendé grâce à cet examen, qui permet de reclassifier un patient DT2 à haut risque CV dans un niveau de risque plus faible (2/3) et au contraire plus élevé (18 %) donc revoir ainsi les cibles thérapeutiques. Travail vraiment très utile, et mené en France rappelons-le. Bravo !
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Cosson E, Berkane N, Pinto S, Bihan H, Tatulashvili S, Soussan M, Sellier N, Nguyen MT, Valensi P. Clinical relevance of coronary risk classification and reclassification with coronary artery calcium score in asymptomatic people living with diabetes. An observational study. Diabetes Metab. 2022 Nov 20;49(1):101412. doi : 10.1016/j.diabet.2022.101412
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