Le déni de la maladie est plus fréquent
Le Pr Alain Golay est diabétologue et chef du service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques (diabète, obésité) à l’hôpital universitaire de Genève. Il préside également la Société d’éducation thérapeutique européenne (SETE).
« L’éducation thérapeutique est humaniste, étant centrée par essence sur le patient tout en tenant compte de son entourage. C’est la base, même si malheureusement cette vision des choses n’est pas toujours appliquée en médecine… Donc, selon qu’une femme est au foyer, au travail, veuve, en ménopause…, l’éducation thérapeutique qu’on lui proposera sera forcément différente.
« J’ai en tête de très nombreuses anecdotes qui montrent qu’une maladie chronique reste une maladie honteuse. J’ai par exemple suivi une femme diabétique qui cachait sa maladie à son mari de peur qu’il ne l’estime incapable de s’occuper de ses enfants. Une autre a décidé d’avouer son diabète à ses filles le jour où elle s’est rendu compte que l’une d’entre elles avait dissimulé un pot de confiture sous son lit, ayant repéré que c’est ce que sa mère prenait en cas de malaise.
« Certes, le déni de la maladie n’a pas de genre. Mais il reste plus fréquent chez les femmes, surtout quand il s’agit de ne rien dire à sa famille. C’est peut-être davantage dans le cadre professionnel que l’homme gardera le secret sur sa maladie chronique.
« L’éducation thérapeutique consiste à donner des connaissances et des compétences aux patients pour les aider à changer de comportements et améliorer leur qualité de vie. Alors, quand il s’agit de parler alimentation… Sachant qu’au foyer, les femmes restent encore celles qui cuisinent, les messages sont importants. La maman se met toujours en deuxième ligne, après ses enfants. Et moi, je leur dis : "Non. Ca ne doit pas être les enfants d’abord. Votre maladie ne doit pas passer au second plan."
« Autre moment décisif, la ménopause. Pour une femme c’est la crise de mi-vie. La cinquantaine marque pour elles le moment où, bien souvent, elles perdent leurs parents et où les enfants quittent le nid. Le mari a souvent été négligent ou négligé. Bref, il y a comme un bruit de fond dans leur vie, dont nous devons tenir compte. Là encore, la vie d’un homme est elle aussi marquée par cette phase. Mais nous demeurons dans une société où l’homme a un rôle d’abord professionnel et la femme un rôle familial. Donc il me semble qu’elle est plus affectée par ces événements de la vie. »
Le souci de l’apparence n’est pas seulement féminin
Le Dr Mickael Riahi, généraliste à Paris, est attaché à l'hôpital Saint-Louis en diabétologie, où deux journées d’éducation thérapeutique sont proposées chaque mois aux diabétiques de type 2.
« Au vu de nos résultats, qui sont fondés sur l’amélioration de l’HBA1C et la perte de poids, on ne peut pas vraiment faire de distinguo entre hommes et femmes. Au premier abord, cependant, les femmes semblent très réceptives aux ateliers de cuisine thérapeutique, vu que ce sont elles qui sont aux fourneaux. Il semble qu’elles changent plus facilement leurs habitudes à ce niveau-là.
« Maintenant, nos patients qui sont atteints d’un diabète de type 2 ont en moyenne la cinquantaine et des problèmes de poids. Il est plutôt intéressant de voir que le souci de l’apparence physique n’est pas l’apanage des femmes. On constate au contraire des points communs entre hommes et femmes face à leur gourmandise, le manque d’activité physique et le stress de la vie quotidienne qui fait qu’ils ne prennent pas le temps de prendre soin d’eux. »
Les femmes davantage portées sur l’introspection
Le Dr Frédéric Sanguignol est médecin nutritionniste et dirige la clinique du château de Vernhes (Bondigoux 31), qui accueille des patients obèses multicompliqués. Il occupe également le poste de secrétaire général de la SETE.
Dans son établissement, les patients ont en moyenne 39 d’IMC (Indice de masse corporelle), autrement dit, ils sont atteints d’obésité sévère, proche de l’obésité morbide. Trente pour cent des femmes qui y sont suivies ont subi un inceste ou un viol. Et le problème est probablement « totalement sous-estimé », avance le Dr Sanguignol. « Dans d’autres centres, cette proportion peut aller jusqu’à 45 %. Peu de littérature internationale y est consacrée ».
Dans la clinique du château de Vernhes, la prise en charge est médicale, psychologique et diététique.
« Nous avons tout particulièrement développé la dimension psychologique de la prise en charge. Il arrive que certaines patientes arrivent à se confier dès le troisième jour de leur hospitalisation. Parce qu’échappant à leur milieu de vie, elles livrent des choses, très douloureuses, dont elles n’avaient jamais parlé.
« Nous avons conçu trois formules pour faire émerger les problèmes. D’abord des groupes de parole. Nous travaillons beaucoup autour de la notion d’agressivité. Ces personnes, du fait de leur poids, sont souvent stigmatisées et subissent l’agression d’autrui. Ces ateliers nous permettent également de faire passer des messages, de casser un peu leurs carapaces. Derrière, des prises en charge individuelles leur sont proposées, soit avec un psychiatre soit avec un psychologue. Enfin, depuis quatre ans et demi, nous offrons la possibilité de participer à des ateliers d’art-thérapie. C’est l’occasion pour elles de s’ouvrir à une certaine créativité et à travers cela d’exprimer leur vécu de la maladie et de faire ressortir des émotions. Il faut parfois trouver des stimulations, puis à la fin de la séance l’art-thérapeute fait verbaliser ce qui a été dit. L’important est que le patient fasse le lien entre un traumatisme de l’enfance, très enfoui, malheureusement souvent considéré comme un événement normal par l’entourage, et leur excès pondéral ».
Ces ateliers d’art-thérapie sont fréquentés à 80 % par des femmes. « Non pas qu’elles soient plus réceptives. Et puis l’expression de leur vécu est souvent identique à celle des hommes. Mais l’envie de créativité est plus importante chez les femmes, elles ont un a priori positif, elles sont plus à même de jouer le jeu de l’introspection. Instinctivement, elles sentiront plus fortement l’intérêt de ces ateliers».
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