La fréquence des cirrhoses secondaires à la stéatose hépatique non alcoolique sévère (Nafld) prend des proportions préoccupantes dans les pays riches et principalement aux États-Unis. Ce sont les patients obèses (surtout les formes les plus sévères), les diabétiques de type 2 (DT2) et les prédiabétiques qui sont les plus à risque. La recherche de traitements est très active et plus d’une soixantaine de molécules sont à l’étude. Jusqu’alors, seule la pioglitazone avait montré un réel bénéfice, mais la classe des glitazones n’est guère recommandée depuis des années. Le lien entre IMC et stéatose hépatique puis avec les formes plus sévères de la maladie (Nafld et cirrhose) est établi. C’est pourquoi la réduction pondérale, par une diététique appropriée (le régime méditerranéen) et la lutte contre la sédentarité et la pratique d’une activité physique ont montré leur potentiel thérapeutique.
Cette mini-revue rapporte les études menées avec les arGLP1 et suggère toutefois qu’ils peuvent constituer un traitement de la Nafld (1). Parmi les sept études passées en revue, cinq (4 avec le liraglutide et 1 avec le dulaglutide) ont montré que la perte de poids, de 2,2 à 6,4 %, réduit de 19 à 31 % le contenu en lipide du foie. Les deux autres études (avec liraglutide et semaglutide) montrent qu’une perte de poids de 4,8 à 12 % réduit la « Nash » de 19 à 42 %. Les auteurs rappellent ensuite que des études menées avec l’approche diététique n’ont pas montré de régression de la fibrose. Ils rapportent enfin les résultats pondéraux, impressionnants, obtenus avec le tirzepatide (double agoniste GIP-arGLP1). Cela les conduit à inciter les endocrinologues à penser et à recourir à cette classe thérapeutique pour prendre en charge cette complication hépatique, préoccupante en dehors même d’un DT2. Notons qu’en France cette indication n’a pas d’AMM.
Une réduction du poids avant tout
Mais cette revue présente à mon sens a plusieurs limites : les auteurs ne précisent pas suffisamment que les effets des arGLP1 passent essentiellement par la perte de poids (aucun autre effet, spécifique, n’étant évoqué) et n’ont pas montré de régression de la fibrose (critère majeur), selon eux du fait de la trop courte durée des essais.
De plus, les essais menés avec les arGLP1 n’ont pas été comparés avec une perte de poids équivalente obtenue sans intervention médicamenteuse (régime méditerranéen par exemple), somme toute atteignable puisque modeste dans ces études (de 2,2 à 6,6 % du poids). Et les résultats de la chirurgie bariatrique ou métabolique dans les formes sévères auraient mérité d’être ici rapportés puisqu’elles permettent, quant à elles, d’obtenir une régression de la fibrose hépatique.
Le plus important selon moi est aussi de poser cette question de société : faut-il prévenir et traiter l’obésité et ses complications par une approche médicamenteuse – avec ses coûts, effets indésirables potentiels – plutôt que par la mise en place d’une politique de santé préventive et thérapeutique à la hauteur des enjeux ?
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Patel Chavez C, Cusi K, Kadiyala S. The Emerging Role of Glucagon-like Peptide-1 Receptor Agonists for the Management of Nafld. J Clin Endocrinol Metab. 2022 Jan 1;107(1):29-38. doi:10.1210/clinem/dgab578
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