Les patients atteints de thyrotoxicose induite par l’amiodarone (TAI) reçoivent souvent un traitement initial dans plusieurs contextes médicaux différents, avant d’être admis dans un centre de référence.
Ce travail visait à déterminer si le traitement médical de première intention (c’est-à-dire les traitements de la thyrotoxicose au premier diagnostic de TAI) affecte le devenir des patients atteints (1). Pour cela, une étude de cohorte historique prospective monocentrique a été menée sur 313 patients TAI. Les données cliniques et biochimiques ont été recueillies au premier diagnostic de TAI dans un centre de référence.
Les critères de jugement principaux étaient les événements cardiovasculaires (CV) et les hospitalisations. Les traitements de première ligne ont été considérés comme appropriés lorsqu’ils comprenaient des glucocorticoïdes : 50 [35-50] mg/j de prednisone ou équivalent pour les TAI de type 2 (une thyroïdite d’origine médicamenteuse, avec destruction des follicules thyroïdiens entraînant un relargage d’hormones thyroïdiennes préformées dans la circulation) et 40 [40-50] mg/j de méthimazole ou équivalent, soit seul (traitement médical optimal : TMO) soit un traitement combiné à bonne dose (TCD) pour les TAI de type 1 (définie comme terrain préexistant d’autonomie thyroïdienne).
D’autres thérapies ont été considérées comme non appropriées, y compris l’absence de tout traitement.
La durée d’exposition à la thyrotoxicose était le temps écoulé entre le premier diagnostic de TAI et sa rémission.
Au total, 34,5 % des patients ont reçu des traitements appropriés (28,1 % TMO, 6,4 % TCD), tandis que les autres (65,5 %) ont reçu des traitements inappropriés.
Les événements CV (Mace, insuffisance cardiaque, troubles du rythme) et les hospitalisations (non programmées et pour thyroïdectomie en urgence) étaient plus fréquents chez les patients ayant reçu des traitements inappropriés (respectivement 33,2 vs. 4,5 % et 24,9 vs. 6,5 % ; p < 0,0001 pour les deux). Les traitements appropriés ont réduit les concentrations sériques d’hormones thyroïdiennes (p = 0,018) du premier diagnostic à l’orientation, contrairement aux traitements inappropriés. La durée d’exposition à la thyrotoxicose était plus longue chez les patients recevant des traitements inappropriés et constituait un facteur de risque d’arythmie (risque relatif [HR] = 1,004 ; p = 0,0008), d’événements CV aigus majeurs (HR 1,004 ; p = 0,020) et d’hospitalisations (HR = 1,006 ; p < 0,0001).
Le premier traitement médical de l’AIT influence donc le temps d’exposition à la thyrotoxicose et la survenue d’événements CV et d’hospitalisations.
Une vraie différence en centre de référence
Dans cette étude menée en Italie (Pise), les thyrotoxicoses induites par amiodarone ont été initialement diagnostiquées et traitées par un cardiologue (28,1 %), un endocrinologue en dehors d’un centre de référence (25,6 %), un médecin généraliste (23 %), un centre de référence (17,9 %), ou d’autres (5,4 %). Seuls 16 à 18 % des prises en charges de qualité ont été menées par des médecins généralistes ou des cardiologues ; ceux-ci avaient laissé plus de 50 % des patients sans traitement, avec un délai de prise d’adressage au spécialiste allant d’un à quatre mois, contre une prise en charge adaptée à 95 % pour les centres de référence.
Les thyroïdectomies en urgence ont concerné 7 % de l’ensemble, mais 13 % de ceux restés sans traitement, 7,9 % en cas de traitement inapproprié et seulement 1,9 % quand la stratégie de traitement était adéquate (1 % pour les centres de référence).
Un plus long délai de prise en charge adéquate est un facteur de risque d’arythmie, d’hospitalisation, de thyroïdectomie.
Professeur Emérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Cappellani D, Marconcini G, Manetti L, Bartalena L, Bogazzi F. Real-life data on the effect of medical therapy for amiodarone-induced thyrotoxicosis on CV events and hospitalizations. J Clin Endocrinol Metab. 2023 May 17 ;108(6):1298-307
doi: 10.1210/clinem/dgac756
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