D’après la définition adoptée par le Haut Conseil à l’intégration en 1991, la population immigrée est composée des personnes qui résident en France et qui sont nées étrangères dans un pays étranger. À l’issue du recensement en 2004, on estimait à environ 5 millions de personnes la population immigrée résidant en France métropolitaine soit 8,1 % de la population totale. En pratique courante, le terme de migrant recouvre non seulement les immigrés, tels que définis ci-dessus, mais encore les personnes nées dans le pays d’accueil avec un ou deux parents nés à l’étranger (migrants de deuxième génération), voire les personnes nées dans le pays d’accueil avec des parents nés eux aussi dans le pays d’accueil et un ou deux grands-parents nés à l’étranger (migrants de troisième génération).
L’origine des migrants a changé au fil du temps
En 2004, l’immigration européenne était en recul face à une montée forte des populations en provenance du Maghreb (31 %), d’Afrique subsaharienne (12 %) et d’Asie (14 %) (Figure 1).
Le pourcentage de femmes immigrées est désormais identique à celui des hommes. Les migrants sont souvent en couple, et dans un tiers des cas le conjoint n’est pas immigré, ce qui favorise les processus d’intégration. Le niveau socio-économique reste en général plus faible que celui de la population générale, mais le niveau d’éducation progresse.
Entre tradition et assimilation
La cuisine obéit à des rites d’élaboration et de préparation qui traduisent une représentation symbolique du monde. Au-delà de la fonction biologique de nutrition, se retrouvent les questions sociales et culturelles les plus profondes. L’alimentation est un support de l’identité individuelle comme de celle des groupes sociaux. Certains aliments comme le pain dans la civilisation occidentale, le riz en chine et le coucous au Maghreb cristallisent cette identité. Les manières sont également importantes. Ainsi, en Afrique subsaharienne, manger à la main dans le plat commun posé sur le sol permet aux ancêtres de participer au repas ; verser un peu de liquide par terre avant de boire est une manière d’honorer la soif des ancêtres. Les immigrés, en changeant de langue, doivent également réapprendre un nouveau répertoire culinaire comme de nouvelles manières de faire. Ils sont soumis à la pluralité des normes et subissent une perte des repères (type d’aliments, façon de les cuisiner, coût, lieu d’approvisionnement ; temps, lieu et acte social de la consommation) qui les obligent à des adaptations plus ou moins fortes dans une dynamique faite à la fois d’emprunts et d’abandons.
Le choix des produits tient compte des ressources socio-économiques mais aussi des possibilités d’approvisionnement et du temps disponible pour les préparations. Les femmes travaillant de plus en plus souvent, le manque de temps porte à privilégier les grillades et fritures au détriment des plats en sauce traditionnels nécessitant de longues cuissons. Les facteurs religieux sont un moteur identitaire fort. Si le choix du produit suit l’observation de prescriptions religieuses, le groupe social met en uvre des stratégies d’approvisionnement comme en témoigne le développement des boucheries « halal » ou l’animal est sacrifié suivant un rite précis.
Les enfants sont un facteur d’intégration alimentaire fort. Ils importent à la maison des habitudes de l'extérieur, et laitages, frites ou pizzas sont souvent adoptés par la famille.
Quel que soit le pays d’origine, au fil du temps le respect des spécificités ethniques se reporte sur les repas du soir ainsi que sur les repas de fête qui sont destinés à rompre par rapport au quotidien et sont les vecteurs de réappropriation des origines.
Les migrants d’origine subsaharienne
Deux grands systèmes alimentaires dominent chez ces Africains : la cuisine sahélienne à base de céréales (mil, sorgho, riz, maïs) et la cuisine forestière à base de féculents (manioc, igname, banane plantain..). Dans les deux cas, traditionnellement, il s’agit d’un plat unique accompagné d’une « sauce » qui est, en fait, un plat mijoté à base de légumes, de feuilles, d’huile de palme, d’arachide ou de pâte d’arachide, de poissons ou de viandes et enfin d’aromates et d’épices. Certains ingrédients n’étant pas disponibles en France, des réseaux informels (dons, contre dons, trocs échanges) d’approvisionnement se mettent en place. Ils participent aux renforcements des liens sociaux.
Toutefois lorsque l’aliment d’origine reste introuvable, la composition du plat est adaptée. Par exemple, le foufou d’Afrique de l’Ouest, traditionnellement élaboré à partir du manioc est fabriqué en France avec de la fécule de pomme de terre qui n’a pas les mêmes apports nutritionnels.
L’acculturation au fil des générations
Les habitudes alimentaires s’occidentalisent progressivement à la seconde et troisième génération nées en Europe. Chez les enfants d’origine maghrébine, l’allaitement maternel est réduit à 8 semaines en comparaison des 6 premiers mois traditionnels. Ils reçoivent rapidement des bouillies de céréales et leur alimentation après sevrage est de moins en moins proche du régime méditerranéen, se conformant au contraire de plus en plus à un régime occidental riche en graisses, en viandes et en sucres. Chez les enfants vietnamiens, l’alimentation reste davantage traditionnelle et est beaucoup moins riche en graisses et en sucre que celle de la moyenne des enfants français.
Les enfants d’origine chinoise ne sont que très peu allaités au sein (10 %) contrairement à ce qui se fait dans le pays d’origine et sont nourris pendant 10 mois de lait diététique et de riz. Une fois sevrés, ils consomment moins de lait, de fruits ou de jus de fruit et beaucoup plus de sodas que les non immigrés. Ils seraient particulièrement exposés au risque de déficit en calcium, phosphore, magnésium, vitamine B1 et C. Les enfants de parents originaires d’Afrique subsaharienne peuvent souffrir de certains apports insuffisants à partir du sevrage qui se fait vers l’âge de 6 mois. La carence en fer est très fréquente (23 % des nourrissons de 10 mois) liée en partie à une consommation de viande inférieure de 40 % aux enfants non immigrés du même âge.
L’évolution des pratiques alimentaires reste ainsi très diverse et dépend largement des conditions sociales et du niveau de sociabilité dans lequel sont les migrants. La fréquence des retours intermédiaires au pays joue un rôle important. Quoi qu’il en soit, on n’a pas de données sur ce que mangent précisément les immigrés, notamment concernant les quantités. Enfin, il ne faut pas oublier que l’alimentation participe des échanges interculturels et que la présence des migrants avec leurs propres habitudes alimentaires peut, elle aussi, modifier progressivement la façon de manger du reste de la population.
Sources bibliographiques
Maire B. Que savons-nous de l’alimentation des migrants ? Conférence de Bernard Maire du 7 octobre 2008. Lettre Scientifique de l’Institut Français pour la Nutrition octobre 2008 ; N° 129.
Tavan C. Les immigrés en France : une situation qui évolue. INSEE Première N° 1042. Septembre 2005.
L’alimentation des populations migrantes : une adaptation délicate. Alimentation et Précarité. N° 22 juillet 2003.
L’alimentation des africains en France. Alimentation et Précarité. N° 24 janvier 2004
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?