L’insuline intranasale testée dans l’Alzheimer

L’INSULINE est importante dans nombre de fonctions du système nerveux central. Il existe des récepteurs à l’insuline en nombre élevé dans l’hippocampe, connu pour son activité dans les fonctions mnésiques (l’insuline module l’utilisation du glucose), mais aussi dans les cortex entorhinal et frontal. Les récepteurs se trouvent au niveau des synapses, où la signalisation par l’insuline contribue la synaptogenèse et au remodelage synaptique.

On sait maintenant que des anomalies de régulation de l’insuline contribuent à la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer,ce qui témoigne de l’importance de l’insuline dans le fonctionnement normal du cerveau. D’autant qu’aux stades précoces de cette maladie, il y a une perte synaptique et une altération de la mémoire, et les taux d’insuline et l’activité de l’insuline dans le système nerveux central sont réduits.

Suzanne Craft (Seattle) et coll., ont conduit une étude randomisée, contrôlée, en double aveugle contre placebo, pour évaluer les effets de l’insuline donnée par voie intranasale sur les fonctions cognitives, sur le métabolisme cérébral du glucose et sur les biomarqueurs du LCR, chez des patients souffrant déjà d’un déficit cognitif (troubles légers et Alzheimer).

L’analyse est réalisée en intention de traiter et l’échantillon comprend 104 adultes, dont 64 souffrant de troubles cognitifs amnésiques légers et 40 de maladie d’Alzheimer.

Pendant quatre mois, ils ont reçu soit un placebo (n = 30), soit 20 UI d’insuline (n = 36), soit 40 UI d’insuline (n = 38), administrés par un appareil spécifique de délivrance intranasale.

On a évalué l’effet du traitement par différentes mesures : score de remémoration à distance d’une histoire (la façon dont les participants peuvent se remémorer une histoire immédiatement après l’avoir entendue et après un délai) ; le Dementia Severity Rating Scale score (DSRS), et deux cotations concernant la maladie d’Alzheimer (échelle ADAS-cog, concernant la cognition ; ADCS-ADL, concernant les activités quotidiennes en collaboration avec d’autres personnes). Chez 23 participants, une PL a été réalisée avant et après le traitement et chez 40 un PET-scan au F18 (fluorodésoxyglucose).

Amélioration du score de remémoration à distance.

Les participants ayant eu l’insuline ont été comparés au groupe placebo. Ceux qui ont reçu 20 UI d’insuline par jour ont connu une amélioration du score de remémoration à distance d’une histoire (p< 0,05), mais toutefois il n’y a pas d’amélioration chez ceux ayant eu 40 UI d’insuline.

Les scores de DSRS sont préservés avec les deux posologies d’insuline. De la même façon, dans ces deux groupes aussi, on observe un maintien de la cognition générale chez les participants les plus jeunes, ce qui est montré dans les résultats aux scores ADA-cog et aux scores sur les habiletés fonctionnelles chez des adultes ayant une maladie d’Alzheimer (échelle ADCS-ADL, p< 0,05). L’aptitude à réaliser des activités quotidiennes en partenariat avec d’autres personnes sont maintenues avec les deux dosages.

À l’inverse, il n’y a pas de changements sous l’effet du traitement chez les participants ayant des troubles cognitifs amnésiques légers. Quant aux personnes du groupe placebo, elles ont subi un léger déclin cognitif.

Les biomarqueurs du LCR, protéine tau et acides aminés Abêta42, sont modifiés pour les patients chez qui le traitement a apporté un bénéfice. Chez les participants sous placebo, il y a eu une réduction d’activité au PET-scan dans les régions pariéto-frontale, frontale et du cuneus. Il n’y a pas eu d’effets secondaires sévères liés au traitement.

« Les résultats de cette étude pilote donnent une base solide pour mettre en œuvre des études cliniques sur l’insuline intranasale et aussi pour décrypter son mécanisme sur les fonctions cognitives », concluent les auteurs.

JAMA, Archives of Neurology, en ligne le 12 septembre 2011.