Un rôle inattendu de l’hormone de la lactation

L’ocytocine a un rôle majeur dans la formation osseuse

Publié le 06/04/2009
Article réservé aux abonnés
1276100125F_600x_51481_IMG_12367_1239095068856.jpg

1276100125F_600x_51481_IMG_12367_1239095068856.jpg
Crédit photo : S Toubon

DE NOTRE CORRESPONDANT

L’OCYTOCINE (OT), un nanopeptide synthétisé par les noyaux paraventriculaire et supraoptique de l'hypothalamus et sécrété par l'hypophyse postérieure (neurohypophyse), exerce son action sur un récepteur couplé à la protéine G (OXTR). Cette hormone a également, avec la vasopressine (toutes deux étant d'anciennes substances dont les actions ont fortement contribué à la survie de l'espèce), une action sur le comportement social et sur la régulation de l’appétit. Alors que l’action de l’OT sur la lactation et l’accouchement est de registre hormonal, son effet sur l’appétit et le comportement répond à un mécanisme nerveux central.

Le calcium, du squelette au lait.

Le mode d’action de l’OT, qui recrute le calcium du lait maternel à partir du squelette de la mère, a conduit à émettre l’idée d’un rôle potentiel du peptide dans l’homéostasie osseuse. Les chercheurs ont testé cette hypothèse chez des souris rendues déficientes en ocytocine (OT-/-) ou en OXTR. Ils ont observé que celles-ci présentaient une ostéoporose marquée et qu’il existait une importante réduction du volume trabéculaire (BV/TV). Il n’y avait pas de différence significative entre les rongeurs mâles et femelles.

Il convenait ensuite de déterminer si l’OT agissait directement sur les cellules osseuses, ou indirectement par un mécanisme nerveux central. La perfusion d’OT par voie intra-cérébroventriculaire pendant cinq jours n’affectait en rien les marqueurs sériques des ostéoblastes ou des ostéoclastes, et elle n’avait aucun effet non plus sur la formation de ces cellules in vitro. A l’inverse, l’injection d’OT par voie intra-péritonéale accroissait la densité minérale osseuse ainsi que la formation d’ostéoblastes, ce qui indiquait que l’OT agit par un mécanisme périphérique osseux, et non central.

Les chercheurs ont ensuite déterminé le mécanisme de l’ostéopénie affectant les animaux OT-/-. Une série d’expériences ont amené à observer une diminution des colonies d’ostéoblastes et, plus précisément, une réduction de leur prolifération. Le mode d’action de l’OT sur la différenciation ostéoblastique a également été précisé : un traitement des souris par l’OT se traduisait par une augmentation de l’ostéopontine (une protéine d'adhérence reliant l'hydroxyapatite aux cellules osseuses) au niveau d’ostéoblastes de la voûte crânienne. L’OT accroît donc à la fois la prolifération des ostéoblastes et leur différenciation.

Dans les deux sexes.

L’action sur les ostéoblastes s’accompagne, comme le montrent d’autres expérimentations, d’un accroissement de la formation des ostéoclastes TRAP-positifs. L’effet ostéoclastogénique de l’OT, médié par une hyperproduction de RANK-L (une cytokine pro-ostéoclastogénique) et une réduction de la synthèse d’ostéoprotégérine (qui bloque l’interaction avec le récepteur RANK), est donc à la fois direct et indirect.

L’ensemble de ces résultats suggère que l’OT a un rôle essentiel dans la physiologie osseuse dans les deux sexes. Qui plus est, parce que l’haploinsuffisance (un seul allèle exprimé) induit un phénotype osseux sans affecter la lactation, il semble que, contrairement à la vision courante, le tissu osseux est plus sensible à l’OT que ne l’est le sein. Les chercheurs estiment ainsi que le nouvel axe hypophyso-squelettique identifié par leurs travaux, distinct de l’axe hypophyso-endocrinien classique, pourrait avoir un impact physiologique plus important que ce dernier.

(1) Tamma R, Colaianni G, Zhu LL, DiBenedetto A, Greco G, Montemurro G, Patano N, Strippoli M, Vergari R, Mancini L, Colucci S, Grano M, Faccio R, Liu X, Li J, Usmani S, Bachar M, Bab I, Nishimori K, Young LJ, Buettener Ch, Iqbal J, Sun L, Zaidi M, Zallone A. Oxytocin is an anabolic bone hormone. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : lequotidiendumedecin.fr