Par rapport aux Caucasiens, les Asiatiques de l’Est (ce qui inclut les Chinois) atteints de diabète de type 2 (DT2) sont plus minces et ont une capacité insulinosécrétoire plus faible en regard de l’insulinorésistance liée à l’obésité. Outre les facteurs génétiques et épigénétiques, les événements du parcours de vie (par exemple, faible poids à la naissance, obésité infantile) et des facteurs environnementaux peuvent affecter la fonction des cellules bêta, particulièrement en Asie dans les populations en transition sociétale rapide. Il est donc important d’identifier ces patients « faux DT2 » pour une mise à l’insuline en temps utile. Certains experts suggèrent d’inclure, à l’avenir, les taux d’anticorps anti-GAD et du peptide C dans les algorithmes de prise en charge des Lada, comme des DT2 asiatiques.
Un travail a porté sur 5 230 patients DT2 chinois (47 % d’hommes), âge 56,5 ± 13,9 ans, avec une durée médiane du diabète 6 [1 à 12] ans, enrôlés entre 1996 et 2012 et observés prospectivement jusqu’en 2019 (jusqu’à 20 années de suivi pour certains pour le passage à l’insuline et les hypoglycémies). Il a rétrospectivement mesuré sur une biobanque (sérum stocké) le peptide C à jeun et le taux d’anticorps anti-GAD (Gada) et examiné leurs associations avec le besoin plus ou moins précoce de passer à l’insuline et le risque d’hypoglycémies.
Résultats, au départ, 2 853 (71,4 %) avaient un taux de peptide C élevé (> 200 pmol/L) et 892 (28,6 %) avaient un taux de peptide C faible (< 200 pmol/L). 139 avaient des Gada+, dont 50 avaient aussi un peptide C faible (< 200 pmol/L). Parmi ceux avec peptide C faible, seulement 4,9 % avaient des Gada+. En revanche dans le groupe Gada+, 46,3 % avaient un peptide C bas.
Le seul taux de peptide C n’identifie pas le besoin de passer plus rapidement à l’insuline, mais celui-ci est plus précoce en présence de Gada+, quel que soit le taux de peptide C (> ou < 200 pmol/L). La positivité des Gada (Gada+) est donc déterminante pour le passage à l’insuline et plus encore le risque hypoglycémique sévère, multiplié par 1,38 [1,04-1,83]. Cela était encore plus marqué si ces patients Gada+ étaient dépourvus d’obésité ou de syndrome métabolique, ou avec peptide C faible, de jeune âge, avec un diabète de courte durée, ou un faible ratio TG/HDL-C. Mais, en cas de Gada+ et de peptide C > à 200 pmol/L, le risque hypoglycémique n’était pas accru par rapport aux autres groupes (Gada négatifs). Le groupe à peptide C faible était aussi plus exposé au risque d’hypoglycémie sévère : HR = 1,29 [1,10-1,52] par rapport au groupe à peptide C élevé.
Après l’initiation de l’insuline, le groupe Gada+ et à faible peptide C a montré les plus fortes diminutions d’HbA1c (1,9 % au 6e mois ; 1,5 % au 12e mois, contre 1 % dans les trois autres groupes).
Il existe donc une hétérogénéité considérable dans l’auto-immunité et le dysfonctionnement des cellules bêta dans les DT2, ceux avec Gada+ passant plus rapidement sous insuline, tout comme en présence de l’association Gada+ et un peptide C élevé. D’un autre côté, les Gada+ avec un peptide C faible ont un risque accru d’hypoglycémie sévère. Un phénotypage étendu est justifié pour augmenter la précision de la classification et du traitement du DT2.
Revoir certains diagnostics
Les auto-anticorps GAD (Gada) sont utilisés pour le diagnostic de diabète auto-immun de type 1 (DT1).Pour les diabètes auto-immuns lents de l’adulte (Lada), les auto-anticorps anti-îlots sont positifs, avec une présentation non cétosique mais un fort risque de détérioration rapide de la glycémie (recours à l’insuline) et un fort risque d’hypoglycémie.
Des études montrent que, parmi les patients européens classés DT2, de 9,3 à 12 % avaient en réalité un Lada contre 3,8 à 5,9 % chez leurs homologues d’Asie du Sud-Est.
Chez les patients chinois atteints de DT2 diagnostiqués avant l’âge de 40 ans, ceux avec Gada+ avaient aussi une réponse hypoglycémiante plus marquée à l’insuline.
Même de lecture difficile d’une interprétation malaisée, on retiendra de cette étude que les marqueurs peptide C et Gada devraient être largement utilisés au moment du diagnostic « de DT2 supposé ».
Cela illustre, une fois encore, l’effort que fait aujourd’hui la diabétologie mondiale pour démembrer, disséquer les sous-groupes de patients avec diabète, au-delà d’une classification de plus en plus dépassée en DT1 et DT2. L’hétérogénéité des DT2, y compris dans les populations chinoises, souligne la nécessité d’une médecine de précision, que la diabétologie tente de développer face à une pathologie massive, concernant plus de 500 millions de sujets et dans des populations génétiquement différentes. Un gros travail est en cours.
Professeur Emérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Fan B et al. Differential associations of gad antibodies (Gada) and c-peptide with insulin initiation, glycemic responses, and severe hypoglycemia in patients diagnosedwith type 2 diabetes. Diabetes Care. 2023 Jun 1;46(6):1282-91
doi: 10.2337/dc22-2301
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