L’incidence du diabète de novo après transplantation rénale est difficile à évaluer en raison de la diversité des définitions utilisées dans la littérature. En se basant sur celle de l’American diabetes association (glycémie à jeun supérieure ou égale à 7 mmol/L ou glycémie supérieure ou égale à 11,1 mmol/L deux heures après ingestion de 75 g de glucose ou à n’importe quel moment de la journée), le diabète de novo concernerait de 8 à 30 % des patients transplantés, mais ce chiffre est probablement sous-estimé.
Une étude rétrospective multicentrique française (Besançon, Caen, Nancy, Reims, Strasbourg) menée auprès de 2 027 patients a retrouvé une incidence du diabète de novo de 8,2 % six mois après la greffe rénale, avec de grandes disparités régionales, liées au recrutement des patients et aux habitudes en matière de traitement immunosuppresseur.
Age et surpoids au premier plan
Les facteurs de risque de développer un diabète de novo sont mieux connus. Le risque augmente de 5 % par année d’âge, chez les hommes comme chez les femmes. Après l’âge de 52 ans, le risque relatif est de 2,25. Le surpoids, avant et après la transplantation, représente un autre facteur de risque de diabète de novo, ce dernier augmentant de 14 % pour une augmentation d’un point de l’indice de masse corporelle (IMC). Pour un IMC supérieur à 25 kg/m2, le risque relatif est de 2,12. Cet accroissement du risque découle de plusieurs mécanismes. En effet, le tissu adipeux n’est pas un simple tissu de stockage, mais aussi un site de sécrétion de nombreuses cytokines (leptine, résistine, TNF-alpha, IL-6 et adiponectine) qui jouent un rôle majeur dans le syndrome X, la résistance à l’insuline et le diabète de type 2. Ainsi, un taux bas d’adiponectine est associé à une augmentation du risque de développer un diabète, mais il n’existe pas de valeur seuil. Certains polymorphismes du promoteur de l’IL-6 sont également associés à un risque accru, mais la recherche de mutations n’est pas un outil utilisable en routine pour dépister les sujets à risque.
En pratique, un score de risque, basé sur l’âge et l’IMC, a été développé. Le risque est également augmenté en cas d’antécédents familiaux de diabète, de séropositivité pour le virus de l’hépatite C, de polykystose rénale avec anomalies membranaires. D’autres facteurs sont incriminés : origine ethnique, groupe HLA (A26, B27), infection à cytomégalovirus, donneur cadavérique…
La valeur prédictive de l’hyperglycémie provoquée par voie orale a été évaluée dans quelques études, aux résultats concordants, mais qui ne permettent pas de conclure sur sa place précise (réalisation systématique ou réservée aux sujets à risque) et sa validité dans le temps.
Conséquences du diabète
Les conséquences du diabète de novo ont également fait l’objet d’études cliniques. Dans un essai datant de 2000, le risque relatif de maladie cardiovasculaire était de 1,2 chez les patients ayant un diabète post-transplantation, mais cette étude est critiquable sur plusieurs points. Un travail plus récent (Ducloux et al. Transplantation 2 005) montre que le diabète de novo est souvent associé à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire (âge élevé, HDL cholestérol bas, CRP élevée) mais qu’il reste, en analyse multivariée, un facteur de risque indépendant de complications athéromateuses (risque relatif de 1,34). L’impact sur la survie du greffon est moins documenté, et si le diabète de novo a probablement un effet délétère, ce dernier est sans doute moins important que généralement estimé.
Choix du traitement immunosuppresseur.
La grande question porte sur l’adaptation éventuelle du traitement immunosuppresseur en fonction du risque du patient. Une telle démarche implique de définir un phénotype à risque avec des critères simples, objectifs et de bonne valeur prédictive positive, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et de disposer d’un traitement alternatif, qui réduirait le risque de diabète mais ne serait pas inférieur au traitement standard dans la prévention du rejet.
Les corticostéroïdes sont diabétogènes (rôle de la dose cumulée) et les méta-analyses soulignent la moindre incidence du diabète en l’absence de corticothérapie. Mais, comme l’a démontré l’étude FRANCIA, l’incidence du rejet augmente (24 % versus12 %).
Les anticalcineurines sont toutes deux diabétogènes, le risque étant plus élevé avec le tacrolimus qu’avec la ciclosporine et plus marqué chez les patients déjà à risque du fait de leur âge ou de leur IMC. Mais la réduction du risque avec la ciclosporine se fait au prix d’une augmentation des rejets et des pertes de greffon.
Le sirolimus n’est probablement pas aussi neutre que ce qui était admis jusqu’alors et pourrait être au moins aussi diabétogène que les anticalcineurines
Enfin, le belatacept pourrait être neutre vis-à-vis du risque de diabète et doit donc être évalué dans ce contexte, même s’il est associé à une augmentation des rejets aigus.
A l’heure actuelle, les données manquent pour préconiser une adaptation du traitement chez les patients transplantés et devenus diabétiques. Il est essentiel de mieux identifier les sujets à risque avant la transplantation, de bien les informer sur l’importance du suivi de mesures hygiénodiététiques et de la pratique d’une activité physique pour prévenir une prise de poids excessive après la greffe.
Un patient développant un diabète de novo est un sujet diabétique insuffisant rénal, et donc à très haut risque cardiovasculaire.
D’après la communication du Pr Didier Ducloux, Besançon, lors du 8è séminaire de formation médicale continue de la Société française de néphrologie.
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