« L’IDÉE REÇUE selon laquelle des troubles du cycle à l’adolescence sont physiologiques dans les deux ans suivant les premières règles est remise en question ces dernières années, explique au " Quotidien " le Pr Didier Dewailly, chef de service de gynécologie endocrinienne à l’hôpital Jeanne-de-Flandre au CHU de Lille. L’immaturité de l’axe hypothalamo-hypophysaire n’explique pas tout, il ne faut pas trop banaliser une oligospanioménorrhée. La plupart des femmes ayant un fonctionnement ovarien normal ont des cycles réguliers d’emblée, tandis que celles ayant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) se rappellent avoir eu des cycles irréguliers dès les premières règles. Alors faut-il attendre deux ans alors qu’une adolescente est en train de développer un SOPK ? La réponse est non. »
Couper court à l’hyperandrogénie
Pourquoi est-ce si important de ne pas négliger le diagnostic à l’adolescence, alors que le désir d’enfant n’est pas à l’ordre du jour ? « L’hirsutisme et l’acné peuvent complexer l’adolescente et entraîner des conséquences psychologiques désastreuses, explique l’endocrinologue. Très vite, il faut couper court à l’hyperandrogénie. De plus, il est nécessaire de dépister un éventuel syndrome métabolique. Le tour de taille comme reflet de l’obésité abdominale, est plus révélateur que l’excès pondéral. Et si les adolescentes sont assez peu réceptives à la prévention de leur santé cardio-vasculaire, les mamans le sont bien davantage ! ». Les jeunes filles et leurs mères sont souvent inquiètes car on leur dit souvent « qu’elles auront du mal à avoir des enfants ». « Il faut dédramatiser, rassure le Pr Dewailly. Pour ces troubles de l’ovulation, il existe aujourd’hui des protocoles de traitements très efficaces. D’autant plus efficaces que le syndrome métabolique est bien traité. De quoi les sensibiliser à faire attention à leur petit ventre trop rond. »
Comment être sûr qu’il s’agit bien d’un SOPK ? Après tout, il est assez banal d’avoir de l’acné, une hyperséborrhée ou une pilosité accrue à l’adolescence. « Le diagnostic se pose de la même façon à l’adolescence qu’à l’âge adulte, précise l’endocrinologue. D’après la conférence de Rotterdam de 2003, le diagnostic est retenu si deux critères sur les trois sont présents (cf encadré). En revanche, il est vrai que les éléments échographiques sont plus difficiles à recueillir chez une jeune fille, puisque l’échographie par voie abdominale est moins précise qu’en endovaginale. Le volume et la surface des ovaires sont correctement évalués, mais le comptage folliculaire n’est pas fiable. » À ce sujet, l’équipe lilloise travaille sur l’AMH, l’hormone antimüllérienne, dont le taux serait corrélé au nombre de follicules ovariens. Un taux élevé serait ainsi un très bon outil de remplacement à l’échographie.
Taux de HDL abaissé.
Quel bilan minimal demander ? « L’échographie pelvienne avec un bilan biologique, répond le Pr Dewailly. Il comprend une testostérone totale mais aussi la prolactine, la 17OHP et la DHAS afin d’éliminer les diagnostics différentiels. Une glycémie à jeun et un bilan lipidique permettent d’évaluer l’insulino-résistance. Il est intéressant de noter que la baisse du taux de HDL est le marqueur le plus précoce d’hyperinsulinisme, avant même les troubles de la glycémie. Chez l’adolescente, on considère qu’il est trop bas en dessous de 0,40 g/l, la norme étant de 0,50 g/l chez l’adulte. »
Alimentation équilibrée, maintien d’un poids normal, éviction du tabagisme, activité physique sont les principes du traitement du SOPK. « On peut prescrire sans état d’âme une pilule de 3e génération, qui permettra de restaurer la " cyclicité " et de mettre les ovaires au repos, conseille le spécialiste. Il faut néanmoins les prévenir qu’à l’arrêt de la pilule, les troubles du cycle vont recommencer. S’il existe des signes mineurs d’hyperandrogénie, on peut opter pour les pilules à l’acétate de cyprotérone ou à la drospirénone. Si l’hyperandrogénie est au premier plan avec hirsutisme et/ou acné sévère, l’acétate de cyprotérone en tant que progestatif très antigonadotrope est indiqué. Il est alors obligatoirement associé à de l’estradiol naturel, par voie orale ou percutanée. »
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