L’Académie de médecine a pris officiellement position, en réponse à une récente polémique, née de la publication de deux études (1,2) qui ont montré que le traitement intensif, sans nuance et mal individualisé de la glycémie – chez les patients diabétiques âgés ou ayant déjà des lésions vasculaires évoluées – peut induire une augmentation du risque cardiovasculaire et donc, de la mortalité. Ces études ont conduit certains à remettre en cause l’intérêt de contrôler l’équilibre glycémique des personnes diabétiques de type 2 et à contester l’efficacité des traitements hypoglycémiants par rapport à leurs risques potentiels.
Face à ces conclusions, l’Académie de médecine a donc rappelé, dans un communiqué (datant du 13 octobre dernier), que l’optimisation glycémique réduit les complications micro-angiopathiques dans toutes les variétés de diabète. Un avis partagé par l’Association française des diabétiques (AFD). « La preuve est parfois moins évidente pour les complications macrovasculaires lorsqu’il s’agit de sujets déjà porteurs de lésions, chronicisées, peu sensibles à la réduction de l’hyperglycémie. En revanche, le bénéfice d’une réduction de l’hyperglycémie (sur le risque micro- mais aussi macro-angiopathique) devient significatif chez les patients diabétiques non ou peu compliqués, précocement traites, suivis sur une longue période (2,3,4,5). Par ailleurs, ne prendre en compte que le risque cardiovasculaire tend à ignorer les autres complications (oculaires, rénales et neurologiques) ou le contrôle glycémique joue un rôle préventif capital », résume le Pr Jacques Bringer, endocrinologue-diabétologue, doyen de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes.
Une prise en charge multifactorielle
Le traitement intensif des diabétiques s’attachant à combattre l’ensemble des facteurs de risque (glycémie, lipides, hypertension), tout en essayant de promouvoir une certaine hygiène de vie (lutte contre la sédentarité, contrôle du comportement alimentaire), réduit à la fois la morbimortalité cardiovasculaire et les complications dégénératives microvasculaires.
En France, d’après les données de l’InvS (lire ci-dessus) ont montré le poids des complications : hospitalisations, amputations, mise sous dialyse.
Sur les 3 millions de personnes diabétiques, plus de 20 000 ont été hospitalisées pour une plaie du pied et 8 000 ont subi une amputation des membres inférieurs en 2013. Cette dernière complication spécifique du diabète représente, pour le patient atteint de cette maladie, un risque 7 fois supérieur à la population non diabétique.
De même, en 2013, 4 256 diabétiques ont été hospitalisés pour amorcer une suppléance pour une insuffisance rénale chronique terminale (un risque 9 fois supérieur à la population non diabétique).
« Toutes ces complications microvasculaires, spécifiques du diabète, sont hautement dépendantes de la glycémie », souligne le Pr Bringer. Le clinicien ne peut, néanmoins, raisonner en considérant, d’un côté, les complications microvasculaires (extrêmement dépendantes de la glycémie) et de l’autre côté, les complications macrovasculaires (moins dépendantes de la glycémie) : le diabétique doit être pris en charge pour l’ensemble de ces complications. « Vouloir séparer, dans le traitement du diabète, ce qui améliore la micro-angiopathie (complications spécifiques du diabète) et ce qui cible les complications macrovasculaires, ne peut aboutir qu’à une impasse. Le traitement contre l’hyperglycémie est indispensable, chez le diabétique, dans le cadre d’une prévention multifactorielle », rappelle le Pr Bringer.
(1) Boussageon R et al. Exercer 2014;115(238)
(2) Effects of intensive lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2008;358(2545)
(3) Hayward RA et al. N Engl J Med. 2015;372(2197)
(4) UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Lancet.1998;352(834)
(5) Inzucchi SE et al. Diabètes Care. 2015;38:140-9
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