« DANS LES GYNÉCOMASTIES, il faut avoir quelques réflexes, explique au « Quotidien » le Dr Olivier Dupuy, endocrinologue à l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin à Saint-Mandé. Pas question de passer à côté des causes graves et curables, même si les gynécomasties sont très fréquentes chez l’adolescent et l’adulte jeune, le plus souvent bénignes et transitoires. L’étiologie idiopathique doit rester un diagnostic d’élimination. L’examen clinique est primordial avec la palpation des seins et des testicules. » La palpation des seins permet de confirmer le diagnostic de gynécomastie, définie comme une augmentation de la glande mammaire, et de la différencier de l’adipomastie, simple dépôt graisseux au niveau des seins en cas de surcharge pondérale. Sur le plan physiopathologique, l’apparition d’une gynécomastie est secondaire à un déséquilibre entre estrogènes et androgènes, c’est-à-dire entre les taux d’estradiol et de testostérone. Deux grands cas de figure sont possibles : hyperestrogénie ou hypoandrogénie. À l’adolescence, la gynécomastie est fréquente, en rapport avec les perturbations hormonales de la puberté et l’hypersensibilité de la glande mammaire.
Tumeurs sécrétant des hormones.
« La palpation mammaire est généralement suffisante pour le dépistage, indique le Dr Dupuy. Les examens complémentaires sont le plus souvent inutiles. Il est exceptionnel de demander une échographie mammaire ou une mammographie, sauf si l’on doute qu’il s’agisse bien d’une gynécomastie. Le cancer du sein, bien que rare chez l’homme, existe pourtant bel et bien, le plus souvent chez l’adulte d’âge mûr. Il faut surtout retenir la nécessité de poursuivre l’examen par la palpation des testicules. Il ne faudrait pas passer à côté d’un cancer testiculaire. » Les tumeurs testiculaires sécrétant des estrogènes ou de l’hCG peuvent en effet être responsables de gynécomastie et sont le plus souvent bien palpables à l’examen clinique. L’échographie testiculaire permet de dépister certaines tumeurs non détectables à la palpation, par exemple les leydigiomes. Ces tumeurs de petite taille à sécrétion d’estrogènes sont par ailleurs de pronostic plutôt favorable après traitement chirurgical. « La palpation testiculaire permet également d’évoquer le syndrome de Klinefelter devant l’association d’une verge de taille normale et de petits testicules », fait remarquer le spécialiste.
« Outre l’échographie testiculaire, un bilan raisonnable comprend également quelques examens hormonaux, indique le Dr Dupuy. Il s’agit de la testostérone, de la FSH, de la LH et de la prolactine. Pour la testostérone, il n’est pas nécessaire à ce stade de différencier testostéronémie totale ou libre. Il s’agit juste " de se faire une idée ". La fiabilité du dosage dépend en effet de nombreux facteurs extérieurs. Le dosage de FSH et LH peut apporter une indication sur l’origine central ou périphérique d’un éventuel hypogonadisme. Les traumatismes et les orchites sont des causes rares d’insuffisance gonadique, que l’interrogatoire ne peut ignorer. »
Certaines étiologies peuvent être évidentes dès l’interrogatoire. Il en est ainsi d’une cirrhose, d’une thyrotoxicose, d’antécédents d’hypogonadisme (cancer de la prostate, traitement par analogues de la LH-RH). Les médicaments antialdostérone sont une cause classique. « Un test d’éviction est ainsi à la fois diagnostique et thérapeutique, indique l’endocrinologue. Les causes peuvent être beaucoup moins flagrantes. Il y a quelques années, nous avons eu un cas de gynécomastie par passage transcutané chez un patient dont la conjointe ménopausée était traitée par patchs d’estradiol ! »
Le traitement de la gynécomastie se confond avec celui de l’affection causale. « Pour ce qui est des gynécomasties idiopathiques, il faut tout d’abord rassurer le patient, explique le Dr Dupuy. Elle évolue le plus souvent vers la régression spontanée. On peut donner quelques conseils simples. Éviter l’auto-entretien en pressant le mamelon, éviter les chocs et les traumatismes, en particulier les frottements des lanières de sac sur la poitrine. Si le patient est demandeur, on peut proposer un traitement. S’il ne l’est pas, il est légitime de ne pas traiter et de surveiller. » Un traitement hormonal local peut être tenté par de la dihydrotestostérone (Andractim) dépourvue d’effet systémique. Il s’agit d’un médicament d’exception, la prescription initiale est réservée aux spécialistes. La durée du traitement est habituellement de trois mois. Si le traitement médical n’est pas efficace et/ou si le retentissement psychologique est fort, le recours à la chirurgie d’exérèse est possible, soit par un gynécologue, soit par un chirurgien plasticien.
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