À ne pas confondre avec les « lipodystrophies », liées aux injections d’insuline répétées au même endroit, les syndromes lipodystrophiques correspondent à un groupe de maladies rares génétiquement déterminées ou acquises (1). Ils sont définis par un syndrome métabolique — caractérisé par l’association d’au moins trois des éléments suivants : prédiabète ou diabète, hypertension artérielle > 130/85 mmHg, hypertriglycéridémie à jeun > 1,50 g, HDLc bas < 40 mg/l chez l’homme et < 50 mg/l chez la femme — associé à une absence généralisée ou partielle de tissu adipeux, raison pour laquelle le rapport taille/hanche n’est pas augmenté chez ces patients.
La lipoatrophie est possiblement associée à une hypertrophie de tissu adipeux dans d’autres sites. « Lorsque l’on se pose la question de l’origine d’un diabète, l’absence de surpoids doit suggérer un diabète particulier : par exemple, lié à une insulinorésistance par absence de tissu adipeux (syndrome lipodystrophique) », explique la Pr Marie-Christine Vantyghem, du centre de compétence des syndromes lipodystrophiques*, CHU Lille.
Ce qui peut attirer l’attention
Le diabète peut déjà être installé, ou un hyperinsulinisme chez une personne encore très jeune. Celui-ci peut entraîner une pigmentation brune au niveau des aisselles et des zones de frottement (acanthosis nigricans), facile à repérer (fig. 1).
En cas de syndrome lipodystrophique partiel de Dunnigan, forme la plus fréquente de ces syndromes, souvent liée à une mutation du gène de la lamine, le patient est mince, mais il présente un cou large et une accumulation de tissu adipeux au niveau du visage (fig. 2A). Ses mains sont petites avec des doigts assez courts (fig. 3), et parfois des douleurs diffuses dans les mains. Un syndrome métabolique associé à un hirsutisme — lié à un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) — à une stéatose hépatique, à des complications cardiaques prématurées, etc., peut aussi attirer l’attention. Plusieurs diagnostics différentiels peuvent être envisagés, notamment un syndrome de Cushing, voire une acromégalie. Lors de syndrome lipodystrophique généralisé, on est alerté par des joues très creusées.
Dans tous les cas, l’examen clinique en sous-vêtements permet de constater la disparition du tissu adipeux au niveau de l’ensemble du corps (sauf le visage et le cou dans le syndrome de Dunnigan), ce qui donne au patient une apparence très musclée alors qu’il ne fait pas de sport intensif (fig. 2B), car il n’y a plus de graisse pour masquer le relief des muscles. « C’est encore plus visible si la personne étend les bras en croix : le relief des biceps est très marqué, avec un ‘coup de hache’ en aval du biceps, faute de tissu adipeux. Au niveau des membres inférieurs, les mollets paraissent volumineux. Enfin, il n’a pas de graisse abdominale sous-cutanée et les femmes ont très peu de poitrine. Un trouble du comportement alimentaire est parfois évoqué, surtout chez un jeune mais, en cas de syndrome dystrophique, le patient mange beaucoup : il a constamment faim », précise la Pr Vantyghem.
Penser aux complications
Peser, mesurer, prendre la pression artérielle, bien examiner cliniquement et demander un bilan biologique de routine, sont des mesures faciles à mettre en œuvre. La biologie de débrouillage doit comprendre une glycémie à jeun, une HbA1c, un bilan lipidique, les transaminases (avec des TGP souvent > TGO) et les CPK (enzymes musculaires qui peuvent être élevées).
D’autres examens sont demandés, souvent par l’endocrinologue, auquel le patient doit être référé en cas de doute sur un diabète particulier : une insulinémie à jeun ou un taux de leptine (qui a de la valeur s’il est effondré). Le diagnostic génétique sera ensuite réalisé dans un centre de compétences des maladies rares Prisis*.
Le diagnostic étiologique est important, car ces syndromes lipodystrophiques peuvent s’accompagner de complications graves, qu’il importe aussi de repérer. Outre le diabète, il peut être observé un SOPK avec une infertilité, une stéatose hépatique précoce évoluant vers la cirrhose, une hypertriglycéridémie, en particulier chez les jeunes femmes mises sous œstroprogestatifs, avec un risque de pancréatite aiguë.
Des complications propres à certains gènes sont également possibles : lorsque le gène de la lamine est impliqué (c’est le plus fréquemment mis en cause sur plus de 70 gènes répertoriés) le syndrome lipodystrophique peut s’accompagner de troubles du rythme cardiaque paroxystiques (avec risque de mort subite), de cardio et/ou myopathies, de neuropathies, et d’un vieillissement prématuré.
Les femmes semblent présenter des formes plus graves sur le plan métabolique. Les hommes, un peu moins de formes graves de diabète, mais d’avantage de cardiomyopathies. Ainsi, l’association diabète et trouble du rythme chez un homme jeune qui n’est pas en surpoids doit faire évoquer ce diagnostic.
Entretien avec la Pr Marie-Christine Vantyghem, cheffe de service endocrinologie - diabétologie - métabolisme - nutrition, Centre de compétence des syndromes lipodystrophiques*, CHU Lille * Le centre de référence national pour les Pathologies rares de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité (Prisis), dirigé par la Pr Corinne Vigouroux, se situe à l’hôpital St Antoine à Paris (1) La HAS a émis un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour le syndrome lipodystrophique de Dunnigan et pour les lipodystrophies généralisées congénitales
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?