LE QUOTIDIEN : Pourquoi un tel engouement autour d’EMPA-REG ?
PR PIERRE GOURDY (CHU de Toulouse)Ø: Il s’agit d’une étude importante après une foule d’études n’ayant pas mis en évidence de bénéfice cardiovasculaire. A contrario, les études sur les inhibiteurs DDP4 ou sur les agonistes GLP1 ont tout juste validé la sécurité cardiovasculaire. L’empaglifozine exerce manifestement un effet protecteur peut être lié à la classe thérapeutique même si cela reste à prouver.
La différence sur le critère primaire est limitée, est-ce un bémol ?
On est proche de la non significativité, même après regroupement des deux bras/doses d’empaglifozine. Toutefois, le décalage des courbes de survie, précoce, semble stable. Et on observe un effet spectaculaire sur la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire, réduites en valeur absolue de 9 % (19,4 vs 28,6/1 000 patients-années) et de 7,7 % (12,4 vs 20,2/1 000 patients-années) respectivement. Avec, pour cette dernière, un bénéfice dominé par la réduction des décès cardiovasculaires de cause inconnue (1,6 vs 2,4 %) et des morts subites (1,1 vs 1,6 %).
Ce qui est frappant, c’est la dissociation entre les événements cardiaques et cérébrovasculaires. On a un effet majeur sur les décès cardiaques (3,7 vs 5,9 %) assorti d’un bénéfice non significatif sur les infarctus (4,8 vs 5,2 % ; RR = 0,87 [0,70 – 1,09]) quand, a contrario, les AVC tendent à augmenter (3,5 vs 3 % ; RR = 1,18 [0,89 – 1,56]). Sans oublier un effet net sur l’insuffisance cardiaque (IC) en termes d’hospitalisations pour IC (9,4 vs 14,5 % ; RR = 0,65 ; p = 0,002).
Comment expliquer cet effet cardiovasculaire ?
L’effet marginal sur l’HbA1c (– 0,6 vs – 0,3 %) et sur la pression artérielle systolique (– 5 mmHg), plus celui mitigé sur les lipides (augmentation du HDL mais aussi du LDL) peinent à l’expliquer. Peut-être, malgré tout, le bénéfice traduit-il simplement la somme de l’impact sur l’HbA1c, la PAS, le poids… L’approche multifactorielle étant de facto particulièrement payante chez le diabétique, en particulier à haut risque cardiovasculaire.
Néanmoins, l’effet sur les morts subites interpelle. Quid de l’effet diurétique subsidiaire de l’empaglifozine ?
Peut-être est-il la conséquence d’un moindre recours aux diurétiques classiques, plus dangereux pour le cœur via la perturbation en électrolytes. Peut-être l’empaglifozine excerce-t-elle un effet propre sur la conduction, le rythme, ou même un effet d’organe sur le cœur du diabétique… en particulier sur les IC à fraction d’éjection préservée par nature non recencés.
Au total, l’empaglifozine a prouvé son intérêt chez le diabétique cardiaque en prévention secondaire – et non pas primaire – déjà sous insuline, metformine ou sulfamide. Il faut maintenant attendre les études en cours avec les autres inhibiteurs de réabsorption du glucose (CANEVAS/canaglifozine, DECLARE/dapaglifozine) pour y voir plus clair sur l’éventuel effet de classe. Et tenter d’élucider les mécanismes physiopathologiques à l’origine d’un tel succès.
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