En ce début de XXIe siècle, chaque jour apporte son lot d'innovations et d'annonces spectaculaires dites prometteuses ! Mais innovation n'est pas nécessairement synonyme de progrès, que ce soit pour le bien-être, la santé des personnes ou l'avenir de la planète.
Dans de nombreux domaines, l'apport des innovations thérapeutiques est incontestable – on pense à l'immunothérapie des cancers, par exemple. En ce qui concerne le diabète de type 1, on peut dire que les avancées technologiques, capteurs et pompes, ont été véritablement capables de réduire les hypoglycémies, d'améliorer la qualité du contrôle glycémique, la qualité de vie et l'autonomie des patients, y compris en pédiatrie. Qu'en est-il du diabète de type 2 (DT2) ? Ces dix dernières années ont été historiques pour la diabétologie, comme l'a été la découverte de l'insuline en 1922, avec l'apparition successive de plusieurs nouvelles classes thérapeutiques.
Des innovations comme jamais depuis la découverte de l'insuline
Les incrétines ont été les premières à arriver sur le marché, à savoir deux classes distinctes : les inhibiteurs de la DPP4 (iDPP4 ou gliptines) et les agonistes du récepteur du GLP1 (arGLP1). Elles ciblent deux anomalies pathogéniques propres au DT2, en stimulant la sécrétion d'insuline et en freinant celle du glucagon, de façon « glycémie-dépendante », sans risque d'hypoglycémies sévères.
Mais tous les individus ne sont identiquement répondeurs. Les arGLP1 ont des effets glycémiques plus puissants, un effet sur le poids, avec un amaigrissement parfois très marqué mais variable selon les patients.
La metformine a ainsi gardé une place centrale dans l'arsenal thérapeutique, alors que les sulfonylurées ont vu leur prescription réduire du fait de leur risque d'hypoglycémie qui en limite l'usage.
Deuxième grande étape, les inhibiteurs du cotransporteur sodium/glucose de type 2 (iSGLT2, ou gliflozines) permettent de réduire les glycémies en abaissant le seuil rénal de réabsorption du glucose ; par conséquent ils diminuent le poids (3-5 kg) et n'entraînent pas d'hypoglycémies. Et, fait tout particulier, ils agissent quels que soient le statut de l'insulinosécrétion et la résistance à l'insuline… donc les patients sont tous répondeurs, tant que la masse néphronique est suffisante (DFG > 45 ml/min).
La protection cardiovasculaire devient un critère primordial
Parallèlement, la Food and drug administration (FDA) exige dès 2008 que tout nouvel antidiabétique soit soumis à une procédure d'évaluation très stricte et codifiée concernant sa sécurité cardiovasculaire (CV). Depuis, plusieurs centaines de milliers de sujets diabétiques ont été inclus dans un nombre considérable d'immenses essais menés par les industriels du médicament. Le but de ces essais a été atteint : rassurer. Toutes les molécules testées – orales comme injectables – ont fait la preuve de leur totale innocuité sur le plan cardiovasculaire ; ce fut aussi l'occasion de montrer que leurs effets indésirables sont assez limités.
Mais, au fil des études de sécurité communiquées, on désespérait de voir l'une de ces nouvelles classes d'antidiabétiques montrer une supériorité au plan cardiovasculaire, donc des effets protecteurs propres au-delà du simple contrôle glycémique. La bonne nouvelle est arrivée, voilà 4 ans, avec les résultats spectaculaires de l'étude Empa-Reg Outcome : une réduction considérable de la mortalité (près de 40 %) des patients DT2 traités par l'empaglifozine, et du même ordre pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. On se souvient tous de l'accueil enthousiaste des diabétologues dans un amphithéâtre bondé, un événement fort pour la diabétologie mondiale et la communauté des cardiologues.
S'en sont suivi d'autres essais confirmant les grands bénéfices des deux autres iSGLT2 – la canagliflozine (Canvas) et la dapagliflozine (Declare-Timi 58). L'effet de classe des gliflozines est désormais admis. Il est étudié aujourd'hui hors diabète dans l'insuffisance cardiaque, une complication qui pèse sur les dépenses de santé partout dans le monde.
Des bénéfices rénaux ont aussi été enregistrés avec cette classe, qui offre ainsi un effet protecteur CV et rénal unanimement admis.
Par ailleurs plusieurs essais ont testé les arGLP1 et quatre d'entre eux ont montré une réduction des évènements CV, principalement chez les DT2 porteurs d'une maladie athéromateuse : le liraglutide (Leader), le sémaglutide (Sustain-6), l'albiglutide (Harmony) et probablement le dulaglutide (Rewind), mais sans bénéfice sur l'insuffisance cardiaque et des effets encore imprécis sur le rein.
Des recommandations nécessairement actualisées
Ces données ont propulsé au premier rang ces nouvelles classes d'antidiabétiques dans les dernières recommandations américaines (ADA fin 2018) et européennes (EASD début 2019). Elles proposent désormais d'orienter le choix du traitement de l'hyperglycémie du patient DT2 par rapport à son statut CV et rénal, ce qui représente un profond changement de raisonnement (fig. 1 et 2). Les thérapeutiques sont aussi plus nombreuses et complémentaires.
Reste la Haute Autorité de santé, qui devrait maintenant tenir compte de ces nouvelles données ; le Canada, la Suisse, l'Italie, l'Ecosse, etc., se sont déjà mis à jour. Et, comme c'est déjà le cas partout ailleurs en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, il faut que la classe des iSGLT2 puisse enfin entrer sur le marché français, tenant compte ainsi des bénéfices et risques associés à son usage et en reconnaissant sa place désormais incontournable dans la prise en charge du DT2.
exergue : « On se souvient tous de l’accueil enthousiaste des diabétologues dans un amphithéâtre bondé face à Empa-Reg Outcome »
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