« L'année 1958 marque l'arrivée des premiers antidiabétiques oraux (ADO), sulfamides et metformine », rappelle le Pr André Scheen (Liège).
En 1968, l'approche thérapeutique du diabète de type 2 (DT2) privilégiait les sulfamides chez les patients non obèses et la metformine, un biguanide, chez les patients obèses, avec une combinaison possible des deux classes pharmacologiques en cas d'échec de la monothérapie, avant d'envisager le passage à l'insuline.
En 1978, le DT2 était toujours considéré comme un « petit diabète », en comparaison du diabète de type 1, et sa prise en charge se fondait encore sur les deux mêmes familles d'ADO (sulfamides et biguanides), malgré la controverse soulevée par les résultats par l'University group diabetes program (UGDP) aux États-Unis.
Ce n'est qu'en 1988 que de Fronzo et Reaven mirent en évidence le rôle majeur de l'insulinorésistance, à côté du déficit insulinosécrétoire, dans la physiopathologie du DT2, mais aussi des maladies cardiovasculaires. « C'est ce qui a orienté la recherche vers des molécules qui augmentent la sensibilité à l'insuline comme les glitazones, avec cependant un succès mitigé », poursuit le Pr Scheen.
Un grand pas en avant a été franchi en 1998, avec les résultats de l'étude UKPDS, qui est restée pendant longtemps l'étude phare en diabétologie. Cet essai a, en effet, montré pour la première fois que l'amélioration du contrôle glycémique du DT2, avec l'insuline ou les sulfamides, permettait de réduire le risque de complications micro-angiopathiques, de l'ordre de 25 à 30 % pour une baisse de 1 % de l'hémoglobine glyquée (HbA1c). Les bénéfices du traitement intensif de l'hyperglycémie sur les complications macro-angiopathiques n'étaient, en revanche, pas significatifs. « Mais chez les patients en surpoids, le traitement par metformine a permis de réduire les événements cardiovasculaires et la mortalité, ce qui a conféré à cet ADO sa place de premier traitement du DT2 », souligne le Pr Scheen.
L'année 2008 a été l'année des déceptions suite à la publication des résultats négatifs de 3 essais d'intensification du contrôle glycémique, ACCORD, ADVANCE et VADT. Aucune de ces trois études n'a montré d'amélioration du pronostic cardiovasculaire en cas de traitement anti-hyperglycémiant intensif, avec même une augmentation des décès d'origine cardiovasculaire dans ACCORD. « Nous nous sommes donc focalisés plutôt sur une approche multirisque, notamment sur la base des résultats de l'étude STENO-2 qui avait mis en évidence une baisse de 50 % des complications cardiovasculaires par une prise en charge intensive globale, ciblant plusieurs facteurs de risque outre l'hyperglycémie », rapporte le Pr Scheen.
Au cours de la même année 2008, la Food and drug administration (FDA) a demandé aux industriels de démontrer la sécurité cardiovasculaire des molécules antidiabétiques en développement, notamment des inhibiteurs de la DPP4 (gliptines), des agonistes du récepteur du GLP1 et des inhibiteurs des SGLT2 (gliflozines). Ceci a conduit à toute une série d'essais cliniques, dont les résultats publiés entre 2015 et 2018 ont non seulement démontré la sécurité cardiovasculaire de ces nouvelles classes d'antidiabétiques, mais aussi leur effet protecteur pour ce qui concerne les agonistes des récepteurs du GLP1 et les inhibiteurs des SGLT2. « Avec, en outre, pour les gliflozines, une réduction importante des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de la progression de la maladie rénale », précise le Pr Scheen.
Ainsi, en 2018, dans leur consensus, l'American diabetes association (ADA) et l'European association for the study of diabetes (EASD) ont changé de paradigme. La metformine reste le traitement de première intention. Mais, en cas d'échec, le raisonnement n'est plus fondé sur les 5 critères qui ont prévalu pendant des années (HbA1C, hypoglycémies, poids, tolérance digestive et coût), mais sur la présence ou non d'une maladie cardiovasculaire (MCV), d'une insuffisance cardiaque ou d'une maladie rénale.
« En l'absence de ces complications, on raisonne comme auparavant, sur des critères essentiellement glucométaboliques. En présence d'une de ces comorbidités, le choix du traitement dépend de son type : agoniste du GLP1 ou inhibiteur des SGLT2 en cas de maladie athéromateuse, priorité à un inhibiteur des SGLT2 en cas d'insuffisance cardiaque ou de maladie rénale », résume le Pr Scheen.
« Pour les praticiens français, cette stratégie n'est, hélas, pas encore applicable puisque les inhibiteurs des SGLT2 ne sont pas commercialisés. Les patients sont ainsi privés d'une classe de médicaments qui peuvent protéger des MCV », note le Pr Scheen avant de préciser que la France, avec l'Albanie et la Macédoine, est un des rares pays d'Europe à ne pas disposer de cette classe d'ADO. « Un nouveau "french paradox " en quelque sorte » (1).
D'après un entretien avec le Pr André Scheen, Liège.
(1) Scheen AJ et al. Diabetes Metab. 2019 Apr 18. pii: S1262-3636(19)30061-8. doi: 10.1016/j.diabet.2019.04.001.
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