Les plaies du pied diabétique (PPD) sont une des causes les plus fréquentes d’hospitalisation (736 hospitalisations pour 100 000 patients diabétiques) et d’amputations (217/100 000 en 2020) chez les patients diabétiques. Alors que les moyens thérapeutiques à disposition se sont améliorés au cours des dernières années, les PPD restent associées à un risque élevé d’amputation et de mortalité.
Optimiser le délai d’adressage
« Une des explications est un adressage à des structures spécialisées trop tardif. L’étude Eurodiale (2), conduite en 2003-2004 dans dix pays européens sur une cohorte de patients diabétiques porteurs d’une PPD, a montré que 27 % des patients étaient adressés à une structure spécialisée plus de trois mois après l’apparition de la plaie », explique le Pr Benjamin Bouillet (CHU de Dijon), à l’origine de ce travail. Une autre étude réalisée dans cinq pays européens en 2015 a confirmé ces données : 25 % des patients étaient adressés plus de trois mois après l’apparition d’une nouvelle plaie. La proportion des patients adressés tardivement ne s’est donc pas réduite (3).
« Or, il a été démontré que le délai d’adressage vers une structure spécialisée pèse sur le pronostic des PPD. Le taux de cicatrisation est amélioré et le taux d’amputation est moins important », souligne le spécialiste.
On peut s’interroger sur les raisons de cet adressage tardif. Une étude menée dans quatre pays européens a notamment montré que les recommandations en vigueur sur le pied diabétique ne sont pas connues des médecins généralistes dans un tiers de cas et ne sont pas suivies dans 40 % des cas (4). Les médecins mentionnent un manque de formation et de connaissances de l’existence de structures spécialisées.
Un outil simple d’orientation rapide
Un parcours de soins primaires a été développé par l’Internatinal diabetic foot care group, en collaboration avec le D-Foot International, chargé de la mise en œuvre des recommandations du groupe de travail international sur le pied diabétique (IWGDF).
La version présentée par le Pr Benjamin Bouillet a été adaptée au système de santé français et validée par la Société francophone du diabète (SFD). Ce parcours de soins vise à améliorer l’orientation des patients avec une PPD, à réduire le délai d’adressage vers les structures spécialisées et donc à améliorer le pronostic de ces patients.
Après une évaluation globale du patient, son orientation vers une structure spécialisée se fait selon le niveau de sévérité de la plaie, qui dépend de ses caractéristiques, de la présence d’une infection, du statut vasculaire et des comorbidités associées (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale terminale, dépression).
Trois types de plaies
« On distingue ainsi trois types de plaies : une PPD non compliquée, une PPD compliquée et une PPD en urgence absolue », explique le Pr Bouillet.
Une PPD non compliquée est définie par l’absence de signes d’infection et de nécrose, l’absence d’atteinte des structures profondes et la présence des pouls périphériques. Sa prise en charge nécessite une mise en décharge et des soins locaux. Il est toutefois conseillé de prendre contact avec une structure spécialisée, par l’intermédiaire par exemple d’une infirmière en pratique avancée, ou d’un système de téléexpertise ou téléconsultation. Le suivi est coordonné par le médecin traitant et la plaie réévaluée au bout de 15 jours. En cas de diminution de la surface supérieure à 25 % et de signe de bourgeonnement, le suivi en soins primaires peut être poursuivi. Dans le cas contraire, le patient devra être adressé vers une structure spécialisée dans les 48 heures.
Une PPD compliquée est définie par la présence d’une nécrose sèche, d’une mise à nu de l’os, de l’articulation ou du muscle, d’une abolition des pouls périphériques, de signes d’infection, d’un terrain à risque. Elle impose une orientation rapide, en moins de 48 heures, vers une structure spécialisée.
Une PPD en urgence absolue est compliquée d’un abcès, d’une gangrène humide ou extensive, d’une fièvre ou d’autres signes de sepsis, nécessitant une hospitalisation en urgence dans une structure spécialisée.
« Le document [1] fournit un lien pour accéder aux recommandations internationales en françaisainsi qu’un lien vers un annuaire recensant les structures spécialisées du pied diabétique », précise le Pr Bouillet. L’idée est de bien évaluer le patient en amont, avant l’adressage, pour éviter aussi que les structures spécialisées — qui ne sont pas encore également réparties en France —, soient débordées.
(1) Bouillet B et al. Un parcours de soins primaires pour améliorer la prise en charge et le pronostic des patients diabétiques avec une plaie de pied. Med Mal Metab 2021
(2) Prompers L et al. Delivery of care to diabetic patients with foot ulcers in daily practice : results of the Eurodiale study, a prospective cohort study. Diabet Med 2008 :25 :700-7
(3) Bouillet B et al. Characteristics of new patients referred to specialized diabetic foot unit across Europe-Factors influencing delayed referral. J Wound Care 2000
(4) Garcia-Klepzig JL et al. Perception of diabetic foot ulcers among general practioners in four European countries : knowledge, skills and urgency. J Wound Care 2018 :27 :310-9
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