Après la découverte de l’insuline en 1921, puis la mise à disposition du dosage de l’hémoglobine glyquée et de la mesure capillaire de la glycémie dans les années 1970, l’arrivée des capteurs de glucose a révolutionné la prise en charge des diabétiques insulino-traités. Il est aujourd’hui possible de suivre en continu la glycémie, ce qui offre au patient plus d’opportunités pour corriger sa glycémie et anticiper les hypoglycémies. Les valeurs de glycémie ne sont pas directement indiquées, mais le patient peut disposer à volonté d’estimations fiables, avec une vision de l’évolution de la glycémie sur les huit heures précédentes. « En France, le capteur Freestyle Libre a tout de suite été adopté et l’arrivée de ce type de capteurs a considérablement modifié l’approche du diabète par le patient comme par le médecin, avec en particulier une meilleure vision globale des enjeux du contrôle glycémique », souligne le Pr Eric Renard. Il s’agit d’une avancée particulièrement importante pour les adolescents. Les patients peuvent avoir des activités à risque d’hypoglycémies avec beaucoup plus de sécurité. Mais le progrès ne vaut que s’il est bien maîtrisé par le patient, qui doit être éduqué aux limites de ces capteurs. Ces systèmes sont en effet imparfaits et en cas d’excursions amenant à prendre une décision d’ajout d’insuline ou de resucrage, un contrôle classique capillaire de la glycémie reste impératif. De même, le patient doit bien comprendre que l’appui sur le capteur, qui peut arriver inopinément lors du sommeil, est susceptible d’entraîner de fausses hypoglycémies, reconnues par leur caractère brutal. A côté de ces capteurs sans système d’alarme d’hypo- ou d’hyperglycémie, d’autres systèmes plus sophistiqués ont été développés pour répondre aux besoins des patients insuffisamment contrôlés ou ne percevant pas les hypoglycémies. Deux systèmes de mesure continue du glucose de ce type sont aujourd’hui disponibles (Medtronic 640 G et Dexcom G4) ; ils nécessitent une calibration biquotidienne, mais les mesures sont plus précises et ils disposent d’un système d’alerte. « Là encore l’éducation du patient est essentielle, notamment en raison du décalage dans le temps entre les mesures du glucose au niveau interstitiel et capillaire », insiste le Pr Renard.
Un deuxième axe de progrès porte sur les insulines et leurs modes d’administration. Les analogues d’action très rapide (un est aujourd’hui disponible, d’autres devraient enrichir prochainement l’arsenal thérapeutique) permettent de réduire les hyperglycémies post-prandiales sans accroître le risque d’hypoglycémies, du fait leur courte durée d’action. « Leur utilisation impose toutefois le plus souvent de reconfigurer le traitement, avec une augmentation des doses d’insuline basale », note le Pr Renard. Les analogues d’action très prolongée permettent de leur côté un contrôle de base plus stable. Malgré ces progrès, certains patients gardent des besoins de base variables, ce qui en fait des candidats à la pompe à insuline. Dans ce domaine, la principale évolution récente concerne le développement de la pompe patch Omnipod, qui délivre l’insuline sans recours à un cathéter. « Cette avancée a attiré de nombreux patients, jusque-là réfractaires, vers les pompes », indique le Pr Eric Renard.
L’étape suivante est l’ajustement du débit de la pompe aux données glycémiques. Pour l’instant un seul système est commercialisé en France, la pompe Medtronic 640 G couplée au capteur Enlite. Avec ce système, le débit de la pompe s’arrête en cas de risque d’hypoglycémie dans les 30 mn, ce qui est particulièrement intéressant chez les patients faisant des hypoglycémies nocturnes, notamment les enfants. L’éducation du patient est impérative, car la fiabilité du système dépend de la précision des mesures du capteur. D’autres systèmes capables de corriger hypo- et hyperglycémies ont fait leur preuve lors d’essais cliniques et devraient arriver en France dans les 2 ans. Ces systèmes dits hybrides (le patient doit encore annoncer ses repas) constituent le premier pas vers le pancréas artificiel : ils fonctionnent de façon automatisée sur le débit de base, et leurs bénéfices se font donc surtout sentir la nuit. C’est le cas des systèmes Medtronic 670G (commercialisé aux USA), Diabeloop et Tandem X2 control-IQ, ce dernier étant testé en France actuellement chez 120 enfants et aux Etats-Unis chez 170 adultes. « On attend également à une échéance plus lointaine l'association de capteurs et de pompes constituant un pancréas artificiel complètement automatisé, dont la mise au point est aujourd’hui limitée par la rapidité d’action de l’insuline, indispensable pour contrôler sans annonce la glycémie post-prandiale », conclut le Pr Eric Renard.
Entretien avec le Pr Eric Renard, CHU, Montpellier
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?