Pr Fabrice Bonnet : « On peut optimiser la prévention du risque d’insuffisance rénale chez le diabétique »

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Publié le 30/11/2023
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Les progrès thérapeutiques réalisés depuis cinq ans permettent d’optimiser la prise en charge des patients diabétiques avec une atteinte rénale. La diminution du risque d’insuffisance terminale observée avec les iSGLT2 représente notamment une grande avancée, mais pour en faire bénéficier ses patients diabétiques, encore faut-il surveiller au moins annuellement les paramètres rénaux, comme le rappelle le Pr Fabrice Bonnet*, diabétologue (CHU Rennes).

Crédit photo : DR

 

L’insuffisance rénale est devenue la première cause d’entrée en dialyse dans les pays occidentaux en raison du poids du diabète qui augmente : 30 à 40 % des diabétiques - de type 1 et de type 2 - développeront une néphropathie diabétique. Or cette dernière est potentiellement grave puisqu’elle peut conduire à une insuffisance rénale terminale avec une augmentation du risque d’évènements cardiovasculaires, une qualité de vie très altérée et des coûts importants.

LE QUOTIDIEN : La recherche d’une néphropathie diabétique est-elle systématique en France ?

PR FABRICE BONNET : Globalement, les médecins y pensent, mais il y a moyen de l’améliorer encore. Les enquêtes montrent que la recherche annuelle d’une albuminurie n’est réalisée que dans 50 à 60 % des cas. Le Débit de Filtration Glomérulaire (DFG) est un peu plus souvent recherché. C’est d’autant plus dommage que l’albuminurie est un examen très simple à réaliser (il se fait sur une seule miction au laboratoire) et qu’en cas de néphropathie avérée, on dispose désormais de traitements néphroprotecteurs à mettre en place le plus tôt possible. En cas d’albuminurie anormale, une vérification doit d’abord être faite car il existe une certaine variabilité. Mais si l’albuminurie vérifiée à deux reprises est bien augmentée, c’est le témoin d’une néphropathie qui risque de s’aggraver au fil du temps, en évoluant vers une protéinurie et l’insuffisance rénale jusqu’à l’insuffisance rénale dite terminale.

Comment optimiser la prise en charge en cas de découverte d’une néphropathie ?

Les iSGLT2 sont des médicaments tellement efficaces sur les reins qu’ils ont une indication dans l’insuffisance rénale (y compris chez le non diabétique). Ils ont un effet anti-albuminurique et doivent être prescrits chez tout patient diabétique avec une albuminurie confirmée et/ou une insuffisance rénale avec un DFG < 60 ml/min et jusqu’à un stade avancé (DFG > 20 ml/min). Les iSGLT2 permettent d’optimiser la protection rénale et cardiaque, même si la néphropathie est débutante. Or les patients qui ont une néphropathie débutante ont un risque cardiovasculaire doublé. La prescription de cette classe thérapeutique est simple (une prise par voie orale une fois par jour) et bien tolérée le plus souvent.

Et lorsqu’il est retrouvé une insuffisance rénale sans albuminurie ?

Cela se voit sur des lésions généralement plus vasculaires. Dans ce cas, il est également conseillé de prescrire un iSGLT2 en association à un bloqueur du système rénine angiotensine.

Attend-on encore des nouveautés ?

On attend effectivement en 2024 en France, la finérénone (qui a obtenu un avis favorable pour le remboursement mais qui est encore en négociation de prix). C’est un antagoniste non stéroïdien du récepteur aux minéralocorticoïdes (anti-aldostérone). Il pourra être utilisé pour le traitement de la maladie rénale chronique chez les patients diabétiques avec albuminurie déjà traités par blocage du système rénine-angiotensine. Ce traitement permet d’optimiser la protection rénale et cardiovasculaire.

Quelle place pour les agonistes du récepteur GLP1 ?

Certains médicaments du diabète comme les agonistes du récepteur GLP1 ont des effets de protection rénale qui peuvent être intéressants avec une diminution de l’albuminurie dans plusieurs essais cliniques (mais sans réduction démontrée du risque d’insuffisance rénale terminale). Ils ont donc leur place en association à un iSGLT2 chez des patients diabétiques avec obésité qui ont une atteinte rénale et qui conservent une HbA1c élevée. Leur impact favorable sur le risque cardiovasculaire peut inciter également à les prescrire chez les patients avec une néphropathie diabétique.

Hormis le régime diabétique, quel conseil donner à son patient lorsqu’une néphropathie débutante s’installe ?

Il faut modérer les apports en sel notamment en évitant de resaler et en limitant la consommation d’aliments riches en sel comme les charcuteries. Les apports en protéines peuvent également être diminués (en conseillant 0,8 g/kg/jour), mais uniquement à un stade plus sévère de l’insuffisance rénale et en l’absence de dénutrition.

Le Pr Fabrice Bonnet et l'auteur de Mieux vivre avec un diabète : 100 réponses pour comprendre sa maladie. Éd. Marabout 2023

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr