« Physiopathologiquement, l’insuffisance cardiaque (IC) est caractérisée par une augmentation des pressions de remplissage, reflet d’une anomalie de fonction qui découle de deux grands mécanismes qui peuvent s’intriquer : une dysfonction contractile – dont témoigne la baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche – et une diminution des capacités de remplissage ventriculaire, alors que la fonction contractile est normale », rappelle le Pr Patrick Henry, service de cardiologie, hôpital Lariboisière, APHP, Université Denis Diderot Paris VII, Paris
L’IC est un symptôme central de nombreuses pathologies cardiaques : infarctus du myocarde, valvulopathies, troubles du rythme – en particulier fibrillation atriale – et enfin toxiques (chimiothérapies, toxiques) en ce qui concerne l’IC à fraction d’éjection réduite (IC rEF). Et, pour l’IC à fraction d’éjection préservée (IC pEF), qui domine chez les diabétiques, on retrouve l’hypertension artérielle (HTA), la rigidité artérielle due au vieillissement ou encore les troubles de la conduction et des maladies infiltratives comme l’amylose.
Concept de cardiomyopathie diabétique
Le diabète est associé à une prévalence trois fois plus élevée de l’IC que dans la population non diabétique, les mécanismes en cause ne sont pas complètement élucidés. Certes, la maladie coronaire et l’HTA sont des facteurs causals certains, mais d’autres hypothèses sont avancées, comme la fibrose, les anomalies de la glycation, ou une atteinte myocardique directe conduisant au concept de cardiomyopathie diabétique. « Des travaux récents menés par notre équipe soulignent le rôle délétère de la médiacalcose, fréquente chez le diabétique même en dehors de toute HTA sévère, et qui pourrait expliquer la fibrose et la dysfonction diastolique », indique le Pr Patrick Henry.
Les deux formes d’IC n’évoluent pas de la même façon. L’IC rEF a une évolution chronique, où phases de stabilité et d’aggravation alternent, émaillées par des décompensations survenant à l’occasion de pathologies intercurrentes (infection, troubles du rythme, anémie). À long terme, elle se fait vers la dysfonction du ventricule droit et l’IC globale. Au contraire, dans l’IC pEF, la dysfonction diastolique est longtemps compensée, et donc peu symptomatique en dehors d’une dyspnée d’effort. Une décompensation peut survenir brutalement, notamment lors d’une poussée hypertensive qui entraîne un œdème aigu du poumon.
« En pratique, il faut penser à une possible IC chez un patient essoufflé à l’effort », souligne le Pr Henry. La survenue ou l’aggravation d’une dyspnée d’effort doit conduire à un dosage du BNP (brain natriuretic peptide) ou du NT-pro-BNP (N-terminal pro-Brain natriuretic peptide), dont les valeurs seuils varient en fonction de l’âge et de la fonction rénale. Un dosage normal permet d’éliminer avec une quasi-certitude une IC. Un dosage anormal doit faire adresser le patient au cardiologue pour une échographie cardiaque.
« Les diabétologues doivent s’emparer de l’IC qui a été laissée au second plan, mais dont les conséquences délétères ont été bien soulignées dans les essais de sécurité cardiovasculaire des inhibiteurs du SGLT2, estime le Pr Henry. Cela était particulièrement net chez les patients qui avaient déjà fait un événement coronaire ou chez ceux à haut risque : le traitement a permis de réduire les hospitalisations et les décès liés à l’IC ».
Cette classe thérapeutique n’est pas encore disponible en France, mais la reconnaissance de l’IC est essentielle afin de proposer une prise en charge adaptée. Elle s’appuie aujourd’hui en première intention sur les bêtabloquants et les inhibiteurs du système rénine angiotensine.
Entretien avec le Pr Patrick Henry, service de cardiologie, hôpital Lariboisière, APHP, Université Denis Diderot Paris VII (Paris).
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