Lors du dernier Congrès de la société francophone du diabète (SFD) en mars 2024, les données de l’Observatoire national de la boucle fermée (BF) en France (OB2F) ont été rapportées, avec une actualisation des recommandations à ce sujet. Pour la seule année 2022 — première année complète où la boucle fermée était disponible et remboursée dans notre pays — environ 3 000 patients adultes et enfants ont été inscrits dans ce registre. Impliquant 79 centres (55 centres adultes, 24 centres pédiatriques), il a permis de récolter des données très intéressantes en conditions de vie réelle, qui viennent s’ajouter aux bons résultats issus des nombreuses études et méta-analyses sur les BF.
LE QUOTIDIEN : Les indications actuelles sont-elles trop restrictives au vu des nouvelles études ?
Pr PIERRE-YVES BENHAMOU : Les indications actuelles de la boucle fermée (BF) ont été limitées selon des critères d’âge, d’hémoglobine glyquée (HbA1c ≥ 8 %) et de traitement préalable. Les précédentes recommandations, de 2020, limitaient le recours à la BF à un âge de 6 à 7 ans (selon le dispositif) mais, en raison de nouvelles études faites depuis, la SFD souhaiterait que l’âge soit abaissé à deux ans.
La deuxième modification souhaitée par la SFD concerne le retrait du critère lié à l’HbA1c, qui n’a pas lieu d’être pour être équipé d’une BF. Ce critère avait été initialement retenu car le capteur de glucose utilisé dans quatre des cinq systèmes de BF disponibles en France, avait une AMM liée au taux d’HbA1c (ce critère ne reposait donc pas sur des études de BF mais sur celles capteur).
Enfin, la troisième restriction jugée aujourd’hui sans fondement est que le patient soit déjà sous pompe à insuline pour pouvoir être équipé d’une BF. Il a déjà été montré qu’un patient sous stylo à insuline pouvait aussi être équipé d’une BF, avec un succès au moins équivalent.
Hormis ces trois modifications principales, y en a-t-il d’autres que la SFD souhaite apporter ?
La grossesse n’est plus une contre-indication, des données tout à fait pertinentes étant tombées depuis. Le diabète instable ou incontrôlable avec des hypoglycémies problématiques, jusqu’à présent mis de côté, a bénéficié lui aussi de nouvelles données favorables. Enfin, le patient ayant un DT2 et déjà sous pompe à insuline, pourrait lui aussi bénéficier d’une BF.
Que nous apprennent les études réalisées en vie réelle ?
Elles confirment toutes les études contrôlées sur l’efficacité et la sécurité. Selon l’OB2F, le temps dans la cible augmente, avec un taux moyen dans la cible ≥ 72 % chez l’adulte (66,6 % chez l’enfant). De son côté, l’HbA1c passe d’une moyenne de 7,6 à 7 % (de 7,5 à 7 % chez l’enfant). Le taux d’accidents (hypoglycémies sévères, acidocétoses) est également très bas (divisé par quatre) avec un très faible taux d’abandon, en faveur d’une bonne acceptation de la BF. Concernant les très jeunes enfants, outre l’amélioration métabolique, on note une réelle amélioration du confort de vie de la famille avec, notamment, un meilleur sommeil des parents. Seul bémol : cela nécessite une mise en place par un centre de pédiatrie très spécialisé.
Les études sur les BF étant très favorables, quels sont les facteurs encore limitants à une prescription plus large ?
Aujourd’hui, l’équipement et la formation des patients peuvent se faire en ambulatoire, mais les ressources humaines compétentes pour former les patients sont insuffisantes dans les centres agréés pour équiper en BF, d’où des listes d’attente. Les recommandations 2024 de la SFD rappellent d’ailleurs l’importance de former les professionnels de santé, d’où la mise en place de formations en ligne, de diplômes universitaires, etc. Mais il faut le faire savoir et il faut le temps que les professionnels se forment.
Et sur le plan technique ?
Si les BF ont profité des nouvelles technologies telles que la télésurveillance (trois-quarts des centres la pratiquent), certaines améliorations techniques seraient bienvenues : plus d’ergonomie, moins d’alarmes et surtout, une interopérabilité des dispositifs et des plateformes de surveillance. En effet, pompes, capteurs et algorithmes ne peuvent pas être utilisés librement entre eux pour des raisons réglementaires et industrielles. Les plateformes de surveillance souffrent du même problème, ce qui oblige à avoir jusqu’à cinq logiciels, à se former à chacun d’eux. Cela représente donc un frein.
Le risque étant de prescrire principalement le matériel associé à la plateforme avec laquelle le spécialiste est le plus à l’aise.
Quels progrès attendez-vous dans un futur proche ?
Avec les BF actuelles, les patients doivent encore assumer la gestion des repas et des activités sportives, mais on attend des systèmes ne nécessitant plus de déclarer les repas (évolution vers un système automatique). Pour ce qui est de la gestion de l’activité physique et sportive, cela dépendra surtout de l’arrivée de nouvelles insulines encore plus physiologiques et plus rapides, pour se rapprocher de l’insulinosécrétion naturelle, ce qui devrait arriver dans quelques années.
Les généralistes ont-ils un rôle à jouer ?
Il est important qu’ils informent leurs patients avec un DT1 et n’ayant pas encore vu de diabétologue, que le traitement standard est devenu la BF. Une fois leur diabète bien équilibré grâce à une BF, il n’y a plus besoin de voir aussi souvent le spécialiste (une fois par an peut suffire). La place du généraliste dans le suivi du DT1 - maintenant que l’aspect le plus « répulsif » du traitement est géré par la BF - peut désormais être redéfinie.
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