LE QUOTIDIEN : Quelles avancées notables ont été réalisées concernant les facteurs déclencheurs du diabète de type 1 ?
PR MALLONE : Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie auto-immune : le système immunitaire s’attaque aux cellules bêta du pancréas, créant un défaut de sécrétion d’insuline, qui doit donc être remplacée par des injections quotidiennes. Des virus semblent être au fondement du déclenchement de cette auto-immunité.
C’est notamment le cas des virus Coxsackie, capables, dans certaines conditions, d’infecter ces cellules bêta et de provoquer un relargage d’antigènes, dans un environnement inflammatoire. Cela détourne alors le système immunitaire contre les cellules bêta elles-mêmes.
Pourtant, de nombreuses personnes contractent ce virus sans déclencher de DT1 ?
Oui, de 98 - 99 % des personnes rencontrent un virus Coxsackie au moins une fois dans leur vie ! Ce n’est donc pas le virus lui-même qui importe, mais ce que notre système immunitaire en fait. Chez certaines personnes, la réponse antivirale n’est pas efficace ; c’est uniquement dans ce cas que le virus Coxsackie arrive à s’attaquer aux cellules bêta, et à provoquer indirectement leur mort. Un vaccin anti-Coxsackie-virus est d’ailleurs en cours d’essai, avec l’idée que si l’on arrive à prévenir l’infection, on pourra peut-être prévenir le DT1, ou du moins un certain nombre de cas, car ce n’est probablement pas le seul facteur environnemental en cause.
Que sait-on de son épidémiologie ?
La circulation de ce virus se réduit lorsque les conditions d’hygiène s’améliorent mais, de fait, l’immunité globale de la population se réduit, elle aussi. Les femmes enceintes transmettent donc moins d’anticorps protecteurs contre ce virus à leur nouveau-né. Conséquence : quand un nourrisson rencontre le virus, il le fait avec une charge virale plus importante et une plus forte probabilité pour qu’il atteigne le pancréas.
A-t-on avancé sur le dépistage de l’auto-immunité ?
Aujourd’hui, nous savons effectivement détecter les premiers signes du déclenchement de cette auto-immunité, avant même que les cellules bêta ne soient détruites de façon significative. Un dosage d’autoanticorps est possible, non seulement chez une personne qui a déclaré un DT1 (et donc à visée diagnostique), mais aussi chez des apparentés (donc à visée de dépistage). En effet, leur risque de déclarer un DT1 est plus élevé que dans la population générale.
Ce dépistage précoce, réalisé des années avant la destruction des cellules bêta à un niveau critique, est d’autant plus intéressant qu’une infection à Coxsackie virus est le plus souvent asymptomatique ou paucisymptomatique (syndrome grippal, gastro-entérite…).
Nous avons également un projet européen pour développer des biomarqueurs permettant de repérer les patients qui ont rencontré un Coxsackie virus, et pour qui leur système immunitaire n’a pas répondu de façon optimale, ce qui mérite de les surveiller de plus près.
Que peut-on attendre en pratique courante de ce dosage d’autoanticorps ?
Cela commence à être une réalité chez des apparentés de personnes ayant un DT1. L’idée est qu’en détectant la maladie des années à l’avance, nous pourrons éviter d’arriver au diagnostic dans des situations extrêmes, comme l’acidocétose, qui représente encore plus de la moitié des diagnostics chez l’enfant.
Nous avons aussi l’espoir d’arriver à préserver un certain nombre de cellules bêta ; bien sûr, cela n’empêchera pas d’avoir encore besoin d’insuline, mais permettra au moins de garder un circuit naturel de sécrétion d’insuline, rendant le contrôle glycémique plus simple et réduisant les complications tardives du diabète.
Comment faire pour bénéficier du test aujourd’hui ?
Dans les familles avec des personnes ayant un DT1, qui souhaitent faire bénéficier ce type de dépistage à leurs enfants, frères, sœurs ou parents âgés entre 1 et 45 ans, le médecin traitant peut nous contacter sur innodia.france@gmail.com pour leur faire envoyer un kit à domicile. Le dosage repose sur le recueil de quelques gouttes de sang capillaire au bout du doigt et le test est renvoyé par la poste. Nous les contactons ensuite pour leur donner les résultats.
A-t-on moyen de protéger un pancréas en cours de destruction lorsque l’on s’en aperçoit grâce au dépistage précoce ?
Dépister permet déjà de mettre en place une prise en charge anticipée, avec une adaptation plus simple à la maladie. Mais nous disposons aussi d’une première immunothérapie, capable de retarder la progression vers une destruction quasi complète des cellules bêta. Il s’agit d’un anticorps monoclonal — le teplizumab — capable de retarder cette destruction quasi complète des cellules bêta d’environ deux ans et demi : il est disponible depuis 18 mois sur le marché américain, mais pas encore sur le marché européen. En France, en attendant, il peut être proposé à titre « compassionnel » et ainsi changer l’histoire naturelle de la maladie.
Pensez-vous que cela va changer complètement l’approche thérapeutique du DT1 ?
On en est encore qu’au tout début, mais la place de l’immunothérapie va effectivement être de plus en plus importante dans le DT1. L’arrivée du teplizumab va d’ailleurs accélérer l’arrivée d’autres traitements immunomodulateurs ou protecteurs des cellules bêta qui vont faire l’objet d’essais cliniques dans les prochains mois et années.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?