Le premier représentant de la classe des inhibiteurs de SGLT2 (cotransporteur sodium-glucose de type 2), la dapagliflozine a été introduite en France le 1er avril 2020. Cette classe, déjà présente presque partout ailleurs dans le monde (l’AMM européenne remontant à novembre 2012) est ainsi longtemps restée absente de l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 (DT2) en France. Quoique les spécialistes du diabète dans notre pays en connaissaient déjà les indications, et les possibles limites d’usage. Cependant, après cette très telle longue attente, on pouvait, peut-être, craindre un emballement des prescriptions et possiblement qu’elles soient réalisées en dehors du cadre défini dans l’AMM initiale en France.
Il était donc particulièrement important pour le groupe Astra Zeneca d’assurer une surveillance quant à l’usage de la dapagliflozine dès sa mise sur le marché français, avec l’aide de spécialistes diabétologues, afin de bien préciser les questions soulevées à l’époque. L’étude, DapaUse-DT, a été menée à partir de l’observatoire « The health improvement network » (Thin) de Cegedim (Centre de gestion, de documentation, d’informatique et de marketing). Elle a couvert les sept premiers mois d’usage de la dapagliflozine en France, soit d’avril à octobre 2020. Elle n’a été réalisée qu’en médecine de ville.
Un observatoire au cours des sept premiers mois de mise sur le marché
L’AMM réservait, en particulier, la prescription aux seuls médecins de la spécialité endocrinologie diabétologie nutrition (ou internistes) pour les seuls patients avec DT2 dont le débit de filtration glomérulaire (DFGe) était supérieur ou égal à 60 ml/min/1,73 m2.
Les objectifs principaux de l’étude DapaUse-DT ont donc été de préciser, en pratique médicale courante en France, si cette limite de prescription de la dapagliflozine par la seule spécialité autorisée à le faire était respectée, de décrire le profil des patients qui la recevaient et les modalités de sa prescription dans le DT2 au regard de l’ensemble du cadre de l’AMM initiale. L’objectif secondaire était de connaître, à partir d’une liste préétablie et validée par le centre de pharmacovigilance de Montpellier, les évènements indésirables liés, selon les prescripteurs, à la prise de dapagliflozine, et leurs conséquences.
L’étude DapaUse-DT a inclus 941 patients vus par 222 médecins ayant réalisé 1 255 prescriptions, soit au moins une prescription de dapagliflozine sur la période concernée. Ce qui représentait 10,2 % de tous les patients ayant reçu de la dapagliflozine durant cette période (une représentativité vérifiée). Cependant, seuls 386 patients ont eu une initiation suffisamment documentée et ont ainsi constitué la population d’analyse.
Il en ressort les éléments principaux suivants.
D’abord le cadre de prescription initiale de la dapagliflozine a été très largement respecté, 89,6 % des initiations ayant été réalisées par un endocrinologue-diabétologue. À l’initiation, 97 % des patients avaient un diagnostic documenté et étaient traités pour un DT2, tous étaient âgés de plus 18 ans, en moyenne 62 ans, 40 % avaient 65 ans et plus. Les deux tiers étaient des hommes. En moyenne, les patients présentaient une obésité (classe I) avec IMC moyen de 31,5 kg/m².
Une AMM remarquablement respectée
L’AMM exigeait aussi que les patients DT2 aient reçu un autre traitement antidiabétique avant l’introduction de la dapagliflozine, et cela a été le cas pour 98,7 % d’entre eux.
Autre question qui inquiétait alors, avant les résultats des études menées chez les DT2 avec maladies rénales, le fait que la fonction rénale soit normale au moment d’introduire la dapagliflozine. Et ce fut le cas pour 94,7 % de ces patients évalués dont le DFGe renseigné était ≥ 60 ml/min/1,73m².
En somme et au total, on peut affirmer que l’AMM a été remarquablement respectée pour 86 % des prescriptions, après l’introduction sur le marché d’une nouvelle molécule appartenant à une classe thérapeutique pourtant très longtemps attendue en France.
Des effets indésirables cohérents avec les autres études de vraie vie
Un très faible taux d’effets indésirables (EI) a été notifié par les prescripteurs. Cependant, le nombre de dossiers complets pour les EI (117) était un peu limité. Furent retenus en tout sept EI pouvant être rattachés à la dapagliflozine : infections urinaires, et infection génitale traitées, deux hypoglycémies et une élévation de l’hématocrite sans conséquences. Le tout est en accord les données des études internationales menées en vraie vie avec la dapagliflozine, en particulier depuis son AMM européenne en 2012.
Les données de cet observatoire rejoignent les résultats de l’étude DUS-Dapa, qui décrivait les caractéristiques des patients de pays européens auxquels la dapagliflozine avait été nouvellement prescrite et les taux de bon usage chez ceux-ci : 93,0 %, 74,1 % et 88,3 % respectivement au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne.
L’élargissement des indications
Depuis, à la lumière des essais portant sur des DT2 avec atteinte rénale, ou cardiaque, les indications de la dapagliflozine et l’AMM en France ont été élargies : maladies rénales, sur le niveau de DFG, en cas d’insuffisance cardiaque. De plus, la prescription a été élargie aux médecins généralistes, dont le rôle est central dans le suivi des patients avec DT2, ainsi qu’aux cardiologues pivot du suivi des insuffisants cardiaques.
La balance bénéfice/risque de la dapagliflozine est aujourd’hui jugée très favorable, comme le confirme sa place majeure occupée dans les recommandations internationales (ADA/EASD) et nationales (SFD). La dapagliflozine dispose aujourd’hui de trois AMM, dans le traitement du diabète de type 2 (avec mention de plus d’une indication formelle en cas d’insuffisance cardiaque et/ou de maladie rénale), dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (incluant les non-diabétiques) et de la maladie rénale chronique du patient avec DT2 ou hors diabète.
Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?