Complication neuropathique du diabète, la gastroparésie est un ralentissement de la vidange gastrique en l’absence d’obstruction mécanique. Sa fréquence est très variable selon les études, mais globalement, après vingt ans d’évolution d’un diabète de type 1 (DT1), de 30 à 50 % des patients sont concernés, avec un ratio de sexe de trois à quatre femmes pour un homme. Chez les personnes avec un diabète de type 2 (DT2), la fréquence est mal connue, et l’affection probablement sous-diagnostiquée. Ce qui peut être particulièrement problématique lorsque le patient se voit prescrire un agoniste du GLP1 (qui va ralentir encore plus la vidange gastrique) ou des opioïdes à visée antalgique.
Une symptomatologie digestive banale
« Nausées voire vomissements, pesanteur, sensation de plénitude postprandiale et sentiment de satiété précoce : associés à un diabète, ces symptômes doivent mener à des investigations, prévient le Pr Gaétan Prévost, chef du service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques du CHU de Rouen. L’avis du gastro-entérologue est incontournable. Une fibroscopie gastrique est bien souvent le premier examen demandé, pour vérifier l’absence de lésion au niveau de l’œsophage ou de l’estomac. S’il est normal, il ne faut pas en rester là, et demander une scintigraphie de vidange gastrique des solides sur quatre heures. »
Ce test de référence consiste à mesurer, via une gamma-caméra, la décroissance de la radioactivité dans l’estomac après ingestion d’un repas isotopique standardisé. Le taux de rétention à 4 heures doit être inférieur à 10 %, sinon, le diagnostic de gastroparésie est retenu — sous réserve que le patient ne soit pas en franche hyperglycémie (≥ 2,20 g/l) au cours de l’examen, car celle-ci ralentit également la vidange gastrique.
Cet examen étant irradiant, il existe une alternative : le breath test, ou vidange gastrique par test respiratoire au carbone 13, se fait dans certains centres hospitaliers universitaires. Mélangé à un solide, le carbone 13 quitte l’estomac avec ce dernier, avant d’être métabolisé dans le duodénum et excrété dans l’air expiré, où il est facilement mesuré.
À côté des symptômes digestifs, d’autres critères doivent faire penser à une possible gastroparésie diabétique. « Il s’agit de patients qui s’alimentent normalement après leur injection d’insuline, mais subissent des hypoglycémies postprandiales précoces ; ou encore ceux qui présentent une grande variabilité glycémique inexpliquée. Dans ces cas, il ne faut pas non plus hésiter à faire une scintigraphie de vidange gastrique », insiste le Pr Prévost.
Le médecin traitant en sentinelle
Les conseils hygiénodiététiques sont cruciaux, ainsi qu’un meilleur équilibre du diabète. « On recommande d’augmenter la composante liquide de l’alimentation, de fractionner les repas, d’éviter les boissons gazeuses, l’alcool et le cannabis. Sans oublier l’activité physique et la lutte contre la constipation, rappelle le Pr Prévost. Dans les formes sévères de gastroparésie, le médecin généraliste doit s’assurer que son patient ne perd pas trop de poids : au-delà de 10 % en 6 mois, c’est une indication à poser une sonde alimentaire jéjunale. »
La présence de tout médicament susceptible de ralentir la vidange gastrique (notamment analogues du GLP1, opioïdes, prégabaline) mérite de discuter avec le médecin prescripteur de l’opportunité d’en changer pour une molécule mieux tolérée.
Attention enfin à l’insuffisance rénale sévère, qui vient encore aggraver le ralentissement de la vidange gastrique : une surveillance régulière de la fonction rénale chez un diabétique est indispensable.
Des progrès thérapeutiques
Faute de médicament ayant une AMM pour la gastroparésie diabétique, l’avis du gastro-entérologue est souvent sollicité. Il peut proposer le métoclopramide si les nausées et vomissements sont au premier plan, mais il faut se méfier de la survenue possible d’un syndrome extrapyramidal.
La dompéridone est une alternative pour accélérer un peu le transit, mais après avis cardiologique en raison du risque d’allongement du QT. L’érythromycine à faible dose (par voie IV) est parfois prescrite car elle accélère la vidange gastrique. Cependant, elle peut poser des problèmes d’interactions médicamenteuses.
Des thérapies innovantes sont à l’étude. L’électrostimulation gastrique par voie endoscopique consiste à placer deux électrodes au niveau de la paroi antrale de la grande courbure de l’estomac, pour restaurer une activité électrique et une motricité. Elles sont reliées à un boîtier, comme un pacemaker. « Pour l’instant, le dispositif n’est pas remboursé mais proposé dans les centres experts : les résultats sont prometteurs, notamment sur les vomissements, selon une étude multicentrique française coordonnée par le Pr Gourcerol du service de physiologie digestive du CHU de Rouen », indique le Pr Prévost. D’autres techniques sont en voie de développement, comme la pyloromyotomie par voie endoscopique (G-Poem) qui consiste à sectionner des fibres musculaires du sphincter pylorique et de la dernière partie de l’estomac pour faciliter le passage des aliments.
Entretien avec le Pr Gaétan Prévost (CHU de Rouen)
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