Les cardiologues jouent un rôle clef dans la prise en charge des patients en prévention secondaire dont ils participent au suivi à côté des médecins généralistes. Ainsi, ils sont à l'origine du traitement optimal des dyslipidémies par la prescription de statines qui, grâce à un niveau de preuve très élevé, ont remplacé les fibrates en une vingtaine d'années. Il est temps maintenant qu'ils s'impliquent dans la prise en charge thérapeutique des patients diabétiques de type 2 (DT2) pour de nombreuses raisons.
Maintenir une prise en charge optimale malgré le développement du DT2
Face à une véritable épidémie de DT2, estimée en millions de patients en France, les diabétologues, en nombre limité, n'ont pas la possibilité d'assurer un suivi optimal de tous les patients, d'autant que ceux-ci ne leur sont souvent pas référés par les généralistes qui, en l'absence d'insulinothérapie, assurent généralement seul ce suivi. Par contre, en situation de prévention secondaire, les patients sont systématiquement vus, au moins annuellement, par les cardiologues dans le cadre de la surveillance de leur pathologie cardiovasculaire.
Le traitement reste souvent non optimal alors qu'en prévention secondaire la cible d'hémoglobine glyquée (HbA1c) est moins rigoureuse qu'en prévention primaire, entre 7 et 8, du fait du risque spécifique des hypoglycémies induites par la cardiopathie sous-jacente.
Suivre les recommandations thérapeutiques
La prise en charge thérapeutique des diabétiques en prévention secondaire est simple, obéissant à des recommandations américaines (American Diabetes Association) et européennes (European Association for the Study of Diabetes) de niveau élevé, que l'on peut résumer en quatre points, en plus des modifications du mode de vie.
• Les biguanides, qui peuvent se limiter à la metformine, constituent la base du traitement, grâce à leur action pharmacologique luttant contre l'insulinorésistance, élément physiopathologique essentiel du DT2, et de leur bénéfice en termes de mortalité observée dans de nombreuses études de vie réelle. Ils doivent être prescrits à posologie progressivement croissante pour éviter la diarrhée, effet secondaire le plus fréquent.
• Les sulfamides doivent être évités car ils peuvent induire des hypoglycémies, dont les conséquences chez les patients porteurs de cardiopathie peuvent être graves, avec un risque de mort subite par arythmie ventriculaire. Ils demeurent trop largement prescrits au regard de leur faible niveau de preuve.
• Malgré de modestes effets hypoglycémiants, les inhibiteurs du cotransporteur sodium glucose de type 2 (SGLT2) diminuent, chez les diabétiques en prévention secondaire, le risque de décès cardiovasculaires et d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Ce bénéfice a été successivement démontré par trois molécules de cette classe : l'empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine au cours des essais EMPA-REG OUTCOMES (1), CANVAS (2) et DECLARE-TIMI58 (3). Ainsi dans la méta-analyse de ces trois essais thérapeutiques, les inhibiteurs de SGLT2 diminuent de 23 % les décès cardiovasculaires et le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (4). Leur utilisation est aisée et rentrera dans la pratique quotidienne des cardiologues si les essais en cours dans l'insuffisance cardiaque, qu'elle soit à fraction d'éjection réduite ou préservée, confirment leurs effets favorables. Leur tolérance est bonne mais il faut connaître les effets secondaires. Certains sont fréquents comme les infections urinaires et génitales, liées à l'augmentation de la glycosurie induite par le mécanisme d'action. D'autres sont rares, comme les amputations distales liées à leur mécanisme d'action diurétique, générant un certain degré d'hémoconcentration. Il ne faut donc pas les prescrire en cas d'artériopathie oblitérante des membres inférieurs évoluée. Un effet exceptionnel, mais grave, est la gangrène de Fournier touchant le petit bassin. Cependant, les inhibiteurs de SGLT2 gardent un rapport bénéfice/risque excellent et font partie, comme les statines, des médicaments qui sauvent des vies chez les patients cardiaques, améliorant également leur pronostic rénal.
• Les antagonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP1) peuvent aussi être intéressants chez les DT2 en prévention secondaire mais leur utilisation par voie injectable, rappelant l'insulinothérapie, rend leur prescription moins aisée par le cardiologue qui pourra alors référer le patient à son correspondant diabétologue.
La prise en charge des dysmétabolies en situation de prévention secondaire par les cardiologues doit donc s'élargir au traitement du DT2. Pour cela, il faut que les inhibiteurs de SGLT2 soient disponibles rapidement en France.
Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil
(1) Fitchett D, Zinman B, Wanner C, et al. on behafl of the EMPA-REG OUTCOME trial investigators. Heart failure outcomes with empagliflozin in patients with type 2 diabetes at high cardiovascular risk : results of the EMPA-REG OUTCOME trial. Eur Heart J 2016;37:1526-34.
(2) Rådholm K, Fitgree G, Perkovic V, et al. Canagliflozin and heart failure in type 2 diabetes mellitus. Circulation 2018;138(5):458-68.
(3) Wiviott SD, Raz I, Bonaca MP, et al. DECLARE-TIMI58 Investigators. Dapagliflozin and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2019;380:347-57
(4) Zelniker TA, Wiviott SD, Raz I, et al. SGLT2 inhibitors for primary and secondary prevention of cardiovascular and renal outcomes in type-2 diabetes : a systematic review and meta-analysis of cardiovascular outcome trials. Lancet 2019;393(10166):31-9.
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