Le « British Medical Journal » vient de publier les nouvelles recommandations britanniques du National institute for health and care excellence (Nice) sur la prise en charge médicamenteuse de l’hyperglycémie du diabète de type 2.
Concernant les cibles glycémiques, il est proposé de viser une HbA1c à 7 %, et de n’intensifier le traitement que si elle est supérieure à 7,5 %.
La metformine demeure le traitement recommandé en première intention.
Selon le risque cardiovasculaire
Ensuite, tout dépend du risque cardiovasculaire (CV) calculé, le Qrisk 2 au Royaume Uni (un indice de morbimortalité à 10 ans jugé plus précis que le Score 2). Les auteurs recommandent d’ajouter systématiquement un inhibiteur de SGLT2 en complément de la metformine dans toutes ces situations : si le Qrisk 2 est supérieur à 10 % (considéré comme un risque élevé), s’il y a au moins un facteur de risque CV avant 40 ans (tabac, obésité, dyslipidémie) ou s’il y a une maladie CV ou rénale (microalbuminurie > 30 mg/mmol).
Ensuite, les autres traitements sont proposés selon l’HbA1c et la prise en compte d’autres facteurs déterminants : soit des iDPP4, soit des sulfamides (ou encore les glitazones, non disponibles en France).
Les agonistes du GLP-1 sont mis en retrait, et recommandés seulement en 3e ligne. Ils ne sont à privilégier, par rapport à l’insuline, qu’en cas d’obésité et selon les souhaits du patient.
Une introduction par paliers
Pour ce qui est des iSGLT2, leur introduction devra se faire après la metformine, et non d’emblée, pour s’assurer que la metformine est bien tolérée. Ensuite, leur prescription doit se faire suite à une évaluation des divers effets indésirables potentiels : infectieux, certes, et surtout d’acidocétose. Il y a surrisque en cas d’antécédents d’acidocétose, d’altération de l’état général du patient, de maladies intercurrentes sévères et de régime très faible en glucides (<10%) et/ou cétogène.
Enfin, le Nice précise, qu’en prévention CV, il ne faut pas prescrire d’aspirine chez un patient diabétique sans maladie cardiovasculaire établie.
Des effets transposables, ou non, en vraie vie
De fait, le Nice propose de recourir très largement aux iSGLT2. Nul doute qu’il tient surtout compte de l’excellente qualité du dossier de cette classe (essais de phase 3 et études en vraie vie). Il y a en effet des bénéfices CV en général, sur l’insuffisance cardiaque, les effets rénaux, chez tous les patients (même les non-diabétiques), et ceux-ci sont quantifiables dès trois mois après leur introduction, le tout avec un très haut niveau de preuve.
Ce sont aussi des médicaments oraux, donc non injectables, ce qui peut contribuer à leur observance.
La place des iSGLT2 est ensuite fortement défendue par le Nice en cas de microalbuminurie > 30 mg/mmol, de maladie rénale avérée, en prévention CV secondaire, dans le haut risque CV et l’insuffisance cardiaque.
Comment comprendre la place modeste réservée aux arGLP1 ? Peut-être que la durée de traitement, injectable, par arGLP1 nécessaire pour obtenir un effet sur le Mace (au moins trois années sans interruption) rend-elle leurs bénéfices CV plus aléatoires en vraie vie, et le number needed to treat (NNT) assez élevé, avant de trois à six ans de traitement ? Certains commentateurs font de cette relégation des arGLP1 une décision exclusivement motivée par des considérations médico-économiques, qui comptent beaucoup pour le système britannique, nous le savons tous.
Le Nice garde une place pour les arGLP1 en 3e ligne, en limitant leurs indications aux échecs de trithérapie orale, chez certains sujets DT2 ayant un IMC ≥ 35 kg/m2 ou < 35 mais en alternative à l’insuline ou lorsque les comorbidités peuvent être réduites par une perte de poids significative. En somme, les bénéfices CV attribués au arGLP1 dans les essais randomisés contrôlés ne sont pas cités, et n’interviennent aucunement dans leur choix ici.
Une rupture radicale avec le concert des experts et des recommandations internationales, comme les consensus de l’American diabetes association (ADA) ou, en France, de la Société francophone du diabète (SFD), qui inscrivent cette classe très haut dans la prévention CV des DT2.
On peine à imaginer que les experts du Nice dénient aux arGLP1 ces bénéfices uniquement pour des raisons d’économies. D’ailleurs ils recommandent les iSGLT2, malgré leur surcoût, du fait de leurs effets CV et rénaux jugés hautement significatifs, et clairs tout praticien. Douteraient-ils de la réalité des effets CV des arGLP1 en vraie vie ? Rappelons-le, une fois encore, ceux-ci ne sont même pas évoqués dans cette actualisation !
Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Moran GM, Bakhai C, Song SH, Agwu JC. Guideline Committee. Type 2 diabetes: summary of updated Nice guidance. BMJ. 2022 May 18;377:o775.doi:10.1136/bmj.o775. PMID: 35584815
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