Comment accueillir et prendre en charge les personnes trans ? Une récente polémique illustre les difficultés d'accès aux soins de cette patientèle et les divisions qui minent le corps médical.
Le point de départ : un gynécologue de Pau a refusé de voir une jeune femme trans (née de sexe masculin) dans son cabinet, fin août. La patiente a entamé une transition il y a trois ans. Elle se plaint de douleurs à la poitrine. Mais une fois dans la salle d'attente, la secrétaire l'informe que le médecin ne la recevra pas. C'est le compagnon de l'éconduite qui poste un commentaire négatif sur la page Google du gynécologue, auquel celui-ci répond par un message où il dit ne s'occuper que « des vraies femmes ». Une réponse depuis effacée, mais dont l'association SOS Homophobie a conservé une copie. Et de commenter : « La transphobie est une réalité aux conséquences graves, notamment dans l’accès à la santé. Elle touche l’ensemble du territoire. »
Des recommandations de la HAS très attendues
Pour les médecins ayant travaillé sur les sujets liés à la transidentité, l'affaire, qui s'est répandue comme une trainée de poudre sur X (ex-Twitter), reflète les difficultés qu'ont de nombreux soignants à se positionner face à ces patients qui posent des questions inédites pour l'art médical. Très attendues, des règles de bonnes pratiques pour les médecins, à l'égard des personnes en parcours de transition, devraient être validées par la Haute Autorité de santé « au deuxième trimestre 2024 ».
« On se retrouve entre incompétence, méconnaissance et transphobie, il reste énormément de travail pour pouvoir accompagner plus et mieux les personnes trans », estime Béatrice Denaes, co-présidente de l'association Trans-Santé France.
« Les patients qui ont transitionné ont souvent du mal à avoir un suivi, parce qu'ils se sentent jugés et sentent une défiance du corps médical », reconnaît auprès de l'AFP la Dr Christine Louis-Vahdat, chargée au sein du Conseil national de l'ordre des médecins de fournir des points de repère sur la question et membres du groupe de travail de la HAS. « Or, leur prise en charge doit être équivalente à toute autre personne (...) il faut éviter que les personnes trans se retrouvent en situation de refus de soin » par méconnaissance ou mauvaise information du médecin, poursuit-elle. « Une femme trans qui se présente avec une douleur aux seins, il n'y a pas de raison de ne pas la recevoir », pour faire une échographie par exemple, ajoute-t-elle.
Des formations et des livres
Des efforts sont faits en matière de formation des médecins sur ces sujets, mais « nous sommes très en retard », et les « professionnels de santé formés manquent », considère la Pr Nathalie Chabbert-Buffet, endocrinologue et médecin de la reproduction à l'hôpital Tenon à Paris.
Depuis 2021, une formation universitaire « Accompagnement, soins et santé des personnes trans », validée par un diplôme inter-universitaire (DIU) est délivré par trois facultés de médecine (Lyon, Marseille et Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines). « On explique notamment le bon vocabulaire à employer. Certaines phrases blessent énormément, comme lorsqu'un médecin dit qu'il ne prend en charge que "les vraies femmes", cela montre une méconnaissance de la transidentité », explique Béatrice Denaes, en tant qu'intervenante.
De son côté, la Pr Nathalie Chabbert-Buffet a intégré plusieurs items sur la transidentité dans le diplôme de formation complémentaire en gynécologie pour les généralistes, qu'elle coordonne pour Sorbonne Université. Notamment un module sur des traitements hormonaux suivis par les personnes trans. « Il n'est pas nécessaire de modifier le dépistage du cancer du sein pour les femmes trans », par rapport au protocole habituel, soit une mammographie tous les deux ans de 50 à 74 ans, donne-t-elle en exemple.
Sur X (ex-Twitter), le gynécologue obstétricien Philippe Faucher rappelle que le livre « Santé sexuelle et reproductive des LGBT » qu'il a co-écrit et publié sous l'égide du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) traite dans deux chapitres différents du suivi gynécologique d'une personne trans et du suivi de grossesse d'un homme trans. « Il nous arrive épisodiquement de prendre soin d'hommes cisgenres : nodule du sein, IST, pathologie HPV, désir d'enfant, contraception masculine », témoigne-t-il encore.
« Être gynéco n'interdit pas d'examiner des hommes », rappelle aussi la Dr Louis-Vahdat. Et de rappeler qu'un médecin qui ne s'estime pas compétent a le devoir de rediriger la personne vers un médecin ou un service hospitalier compétent. Une nécessité, alors que les parcours, en particulier pour l'hormonothérapie, sont de plus en plus personnalisés.
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