Lors d’une échographie cervicale de routine, il est courant que les praticiens confondent des lésions parathyroïdiennes avec des nodules thyroïdiens, et vice versa. L’endocrinologue Luigi Maione (hôpital Kremlin-Bicêtre [APHP/université Paris Saclay]) note qu’environ 5 à 12 % des lésions parathyroïdiennes observées dans son service avaient été premièrement rapportées en tant que nodules thyroïdiens.
Ces fréquentes erreurs d’interprétation ont motivé l’étude Parath-US, coordonnée par le Dr Luigi Maione. L'objectif était d'établir une liste de critères pour différencier les deux pathologies lors d'une échographie cervicale, qui reste « l’examen de premier choix pour décrire les nodules cervicaux, tels que les nodules thyroïdiens », rappelle le spécialiste. Les résultats ont été publiés en accès libre dans la revue The Lancet Regional Health Europe en décembre 2023.
Des pathologies qui ne se ressemblent pas
Le Dr Luigi Maione explique ces erreurs de diagnostic par des raisons anatomiques. Les parathyroïdes, ces petites glandes situées dans le cou et collées tout contre la thyroïde, peuvent être facilement confondues avec elle, « surtout lorsque le praticien effectue l'échographie avec une arrière-pensée et s'attend à trouver des lésions à l'un des deux endroits, il n'ira pas forcément plus loin en cas de doute ». De plus, en pratique, « il n'est pas demandé de vérifier l'état des parathyroïdes, invisibles au stade physiologique », fait-il remarquer. L'endocrinologue ajoute que les symptômes sont rarement à l'origine du diagnostic. Plus de la moitié des nodules thyroïdiens sont diagnostiqués lors d'une échographie et les trois quarts des hyperparathyroïdies primaires sont diagnostiquées à la suite d’un dosage de calcium réalisé lors d’un bilan de routine.
Pourtant, ces glandes sont deux tissus très différents et les pathologies qui leur sont associées ne présentent pas les mêmes symptômes ni les mêmes risques. « D’une part, l'hyperparathyroïdie entraîne une hypercalcémie, avec une fragilisation des os qui peut causer fractures et coliques néphrétiques, qu’il faut reconnaître pour la soigner efficacement. D’autre part, les nodules thyroïdiens doivent être surveillés à cause du haut risque de cancer », détaille le Dr Luigi Maione.
Pour éviter un geste invasif inutile
Or, lorsque les glandes parathyroïdiennes pathologiques sont prises par erreur pour des formations nodulaires thyroïdiennes, entre 58 et 63 % d’entre elles risquent d’être classées comme lésions thyroïdiennes à haut risque de cancer. En effet, elles ont une forme, un contenu et une vascularisation qui ressemblent plus au cancer thyroïdien qu’à un nodule bénin de la thyroïde. « On va alors proposer une cytoponction sur des nodules qui sont bénins, avec la réalisation inutile d’un geste invasif. Si une glande parathyroïdienne pathologique est diagnostiquée, un simple bilan phosphocalcique confirmera l’anomalie pour enclencher directement des soins pertinents », décrit l'endocrinologue.
Pour éviter ces erreurs, l'étude Parath-US a inclus des patients ayant réalisé une échographie cervicale dans le service d'endocrinologie et des maladies de la reproduction de l’hôpital Bicêtre AP-HP entre 2016 et 2022. Ainsi 158 patients ont présenté 176 glandes parathyroïdiennes pathologiques, qui ont été comparées après appariement à 232 formations nodulaires thyroïdiennes. En scrutant toutes les caractéristiques étudiées lors d’une échographie cervicale de routine, l'équipe du Dr Luigi Maione a mis en évidence trois critères discriminants pour différencier les deux pathologies.
Un diagnostic bien plus précis
Contrairement aux lésions thyroïdiennes, les lésions parathyroïdiennes ne sont pas ovales ou rondes mais ont des formes « plutôt bizarres », elles sont réniformes, aplaties, dacryoïdes ou triangulaires. « Ces formes se retrouvent bien plus rarement pour les nodules thyroïdiens, sauf lorsqu'ils sont à risque », nuance le Dr Luigi Maione.
Autre caractéristique : les lésions parathyroïdiennes sont particulièrement hypoéchogènes, ce qui signifie qu'elles ont une couleur sombre sur les images échographiques, ce qui peut aussi être une caractéristique des nodules malins de la thyroïde. Le troisième critère repose sur des signaux vasculaires à l’intérieur du nodule, présents dans les glandes parathyroïdiennes pathologiques. « Si ces trois paramètres sont réunis, on peut dire avec bien plus de précisions (avec une valeur prédictive positive de 96 %) que nous sommes face à une glande parathyroïdienne pathologique, conclut le Dr Luigi Maione. On peut alors prescrire un bilan phosphocalcique au patient et, par la suite, s’il est négatif, aborder l’hypothèse qu’il s’agisse d’un nodule à risque de la thyroïde ».
Aujourd'hui, les échographies se sont démocratisées dans le milieu médical et de nombreux médecins (généralistes, urgentistes, endocrinologues, etc.) les pratiquent. Le Dr Luigi Maione précise que ces trois critères peuvent être observés simplement avec un échographe de bonne qualité, sans devoir y associer des outils technologiques avant-gardistes.
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