À l’heure actuelle, il n’existe aucune recommandation HAS en ce qui concerne la place des SGLT2-i et ils ne sont pas commercialisés (6). Mais, en principe, les résultats favorables de l’étude EMPA-REG devraient conduire à son entrée sur le marché et une révision des recommandations, qui devront aussi reconsidérer la place des GLP1-a et leur association à l’insuline dans le diabète de type 2 (lire page 6).
Puisque les SGLT2-i n’ont pas encore reçu d’AMM en France, il nous est autorisé de faire l’hypothèse que l’empaglifozine pourrait prendre, comme dans les pays où elle est disponible depuis plusieurs mois, une place assez importante dans la stratégie de traitement du DT2, du fait de ses associations possibles avec toute autre thérapeutique. Elle est en effet seule à pouvoir être associée à toutes les autres thérapeutiques avec un bénéfice prévisible, sans véritables non-répondeurs – en témoigne la faible déviation standard des baisses de glycémies et HbA1c.
En pratique, c’est la seule classe capable, avec la metformine, de réduire la glycémie à jeun. Mais il a aussi été démontré qu’elle entraîne une élévation indésirable des taux de glucagon, c’est pourquoi l’association à un DPP4-i ou un GLP1-a, qui réduisent ces taux, semble une intéressante, en ajout de la metformine. C’est sûrement la première trithérapie orale à avoir du sens.
Une place indéniable comme antidiabétique oral
Les effets antidiabétiques de l’empaglifozine sont bien démontrés, ils ne se distinguent pas radicalement de ceux des autres représentants de la classe des SGLT2-i, dapaglifozine ou canaglifozine, cette dernière est parfois considérée comme ayant un pouvoir hypoglycémiant supérieur à la dose de 300 mg/j.
Les SGLT2-i réduisent significativement le taux d’HbA1c de 0,6 à 0,9 % pour une valeur de base autour de 8 %, et font perdre du poids (de 2 à 4 kg). Fait essentiel : cela vaut quels que soient l’insulinosécrétion, l’insulinorésistance et l’ancienneté du diabète, sans hypoglycémie. En effet, le mécanisme d’action est « universel », il ne trouve pour seule limite que l’insuffisance rénale par perte néphronique (‹ 60 ou 45 ml/min de DFG) – réduction de l’action et non pas risque d’accentuer l’insuffisance rénale elle-même.
L’association de cette classe avec la metformine, les iDPP4, les GLP1a, est utile sans risque hypoglycémique, et avec l’insuline elle limite la prise de poids. L’association avec les sulfamides est possible mais a assez peu d’intérêt.
L’association insuline + SGLT2-i chez des sujets DT2, voire chez quelques DT1 ayant pris beaucoup de poids sous insuline, est actuellement investiguée. On a rapporté dans ces situations particulières quelques cas exceptionnels d’acidocétoses (7).
Les effets indésirables sont essentiellement infectieux – gynécologiques plus qu’urinaires. Selon l’expérience de collègues européens et les données de l’étude EMPA-REG ces effets sont cependant moins fréquents que dans les études de phase 2 et 3. Restera à déterminer la tolérance en vraie vie, par exemple la polyurie pour certaines professions. Enfin on restera vigilants quant à de possibles effets indésirables à long terme et en utilisation de masse, comme avec tout nouveau médicament.
Risque cardiovasculaire : pas pour tous !
Le bénéfice CV de l’empaglifozine ne s’exerce pas via un effet sur la maladie athéromateuse du DT2, mais bien sûr la composante IC par un effet qualifié de « diurétique like », pour faire simple. Ainsi, le MACE peut être considéré comme tout aussi neutre que dans les études de sécurité CV menées avec les incrétines. Par ailleurs, ces effets spectaculaires sur la mortalité et l’IC ont été démontrés chez des patients à très haut risque CV (lire encadré).
C’est pourquoi affirmer qu’il faudra envisager de le donner à tous les DT2 comme on prescrit une statine, un IEC ou un sartan, nous semble être peu défendable pour le moment.
En revanche, chez des patients correspondant au recrutement d’EMPA-REG, la mise sous empaglifozine semble aujourd’hui très souhaitable, tout comme le recours au dosage de Nt-ProBNP, qui deviendra sûrement très répandu chez les DT2 après l’âge de 60 ans ou ayant un score de risque CV très élevé. Quid de l’intérêt de l’échographie cardiaque, quid des patients à fraction d’éjection conservée mais à risque d’insuffisance cardiaque ? À suivre.
Quant aux sujets avec un DT2 récent (‹ 10 ans), à risque CV faible et bien traité (statine-IEC ou sartans), donc sans antécédents d’événements CV : le recours à l’empaglifozine restera lié à sa place dans la stratégie de prise en charge de l’hyperglycémie, comme tout antidiabétiques et comme les autres représentants de la classe des SGLT2-i (qui ne pourront toutefois pas revendiquer les données d’EMPA-REG pour leur usage tant que leurs propres études ne seront pas communiquées).
Donc, oui à l’empaglifozine en add-on des statines et des médicaments agissant sur le système rénine-angiotensine voire de l’aspirine chez certains DT2 mais pas chez tous. Ce groupe de patients représenterait cependant au moins 25 à 30 % des DT2 soit en France près d’un millions de sujets.
Quelle sera la position des autorités ?
Au total, énormément de patients relèvent de l’une ou de l’autre indication. Qu’en diront la HAS et la CNAM-TS ? On peut imaginer que cela inquiète les tutelles et les payeurs. Mais voilà, l’empaglifozine a réduit de 38 % la mortalité et c’est bien la première fois que cela se produit avec un antidiabétique, oral ou injectable !
C’est pourquoi, plutôt que d’entraver sa venue, il vaudrait mieux agir sur le processus de leur prescription. Cela pourrait aider à réguler les choses, en situant, enfin, le rôle des diabétologues dans la prescription de certaines classes (SGLT2-i ou encore association insuline-aGLP1). Et recommander de prendre leur avis pour certaines situations un peu complexes, comme l’échec de la mise sous insuline du DT2 et le suivi du diabète de type 1.
Ceci pourrait conduire à des économies au final.
Quoi qu’il en soit, après EMPA-REG, rien ne sera plus pareil, il ne sera plus possible de bloquer l’entrée de l’empaglifozine ou de proposer un prix si faible que cela conduirait l’industriel à renoncer au marché français, comme cela s’est déjà produit. Les tutelles françaises doivent trouver leurs réponses face à cette nouvelle classe, des réponses intelligentes, dans l’intérêt des patients mais pas trop complexes, évitant les « recos usine à gaz » ! La seule réaction aujourd’hui intenable, serait de reconduire la position actuelle, empêcher sa venue sur le marché, même pour les patients DT2 à haut risque d’insuffisance cardiaque.
Donc finalement, oui, un bouleversement est inévitable, et ce n’est pas plus mal !
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