L’hypogonadisme hypogonadotrope lié à l’obésité est une affection bien caractérisée chez l’homme. On parle d’hypogonadisme secondaire lié à l’obésité masculine (Mosh) : cette comorbidité de l’excès de poids, relativement bien caractérisée, touche environ 40 % des hommes obèses.
Sa physiopathologie implique une interaction entre l’adiposité viscérale, la leptine et la résistance à l’insuline (IR), entraînant un dysfonctionnement hypothalamique et des processus pro-inflammatoires. L’estradiol est également augmenté, proportionnellement au poids corporel, en raison d’une plus grande activité de l’aromatase dans le tissu adipeux, ce qui pourrait inhiber encore davantage la production de LH par l’hormone de libération des gonadotrophines (GnRH).
Des troubles menstruels chez la femme
L’équivalent n’a pas été décrit aussi clairement chez les femmes. Cependant, l’obésité s’associe chez elles à une augmentation spectaculaire de la fréquence des irrégularités menstruelles : présentes chez 26 % des femmes ayant un IMC > 30 kg/m2 (contre environ 14 % des femmes à l’IMC entre 20 et 24,9), elles atteignent plus de 60 % chez les femmes ayant un IMC ≥ 60. De plus, le risque de troubles menstruels augmente de façon linéaire au-delà d’un tour de taille de 70 cm.
En cause : le syndrome des ovaires polykystiques (Sopk), qui ne touche pas que des femmes en état d’obésité — et atteint parfois des patientes parfaitement minces —, mais dont la prévalence augmente avec le poids. Au contraire du Mosh, il est caractérisé par une augmentation de la pulsatilité de la GnRH et de LH, plutôt que par une réduction nette des taux de ces hormones.
Équivalent du Mosh masculin
Or, dans un article d’Endocrine Review (1), les auteurs soulignent que les taux absolus et l’amplitude de la LH sont réduits chez les femmes obèses, qu’elles aient ou non un Sopk, ce qui suggère l’existence d’un syndrome « d’hypogonadisme secondaire lié à l’obésité féminine » (Fosh), équivalent masculin du Mosh.
Ces taux plus faibles de LH sont en partie dus à une clairance accrue de la LH endogène, ainsi qu’à une réponse hypophysaire réduite à l’hormone GnRH. Chez les femmes atteintes de Sopk, l’obésité s’associe à une diminution de l’amplitude de LH plutôt qu’à une diminution de sa pulsatilité. Les femmes obèses peuvent ainsi avoir une production accrue d’androgènes, même en l’absence de Sopk, et ces taux d’androgènes plus élevés peuvent contribuer à réduire les taux de LH.
L’augmentation des taux de leptine chez les femmes obèses peut aussi entraîner une résistance hypothalamique à la leptine et une réduction de la pulsatilité de la GnRH et des taux de LH. À noter que les taux d’hormones antimüllériennes restent inchangés ou réduits, et peuvent encore diminuer après une perte de poids.
Une réalité trop souvent ignorée en pratique
Cause majeure d’hypofertilité, le Sopk est le trouble endocrinien le plus courant, il affecte entre 8 à 13 % des femmes en âge de procréer. Environ la moitié des femmes qui en sont atteintes sont obèses, mais cette prévalence varie de 38 à 88 % selon les pays.
Cette remarquable mise au point se focalise sur l’hypogonadisme des femmes en obésité non lié au Sopk. De même que pour son équivalent masculin, les mécanismes commencent à être mieux décrits.
Un long chapitre fait aussi le point sur l’évolution du statut hormonal des femmes en obésité massive, après une chirurgie bariatrique. Tout ce texte, en accès libre, est un indispensable à tout spécialiste de l’endocrinologie et/ou de la médecine de l’obésité.
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Pei Chia Eng, et al. Obesity-Related Hypogonadism in Women. Endocr Rev. 2024 Mar 4;45(2):171-89
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