LE QUOTIDIEN – Pourquoi avez-vous porté plainte ?
JEAN-JACQUES GARREAU – C’est mon beau-frère pharmacien qui m’a convaincu de le faire. Mon médecin de famille m’a prescrit trois comprimés de Mediator par jour entre 2002 et 2009 pour traiter une légère hyperglycémie. Autant que je me souvienne, il ne m’a pas donné d’explication particulière, et moi, je n’ai pas posé de question. Quand j’ai eu connaissance du problème par mon beau-frère, je suis allé consulter mon médecin qui a constaté un léger essouflement. L’échographie cardiaque faite en décembre dernier a montré une altération de deux valves cardiaques. Le cardiologue n’a pas trop osé me dire que le Mediator est la cause de mon affection, mais dans son rapport, il a spécifié que cela peut être une raison expliquant la survenue du problème cardiaque.
En voulez-vous à votre médecin de famille ?
Bien évidemment. J’ai toujours été très sportif, je suis allé faire l’échographie en confiance. C’est vrai que je me sentais fatigué depuis quelques années mais je mettais ça sur le compte de l’âge – j’ai 63 ans. Psychologiquement, ça a été très dur. J’ai pensé aux conséquences, à ma fille de dix ans. Mon cardiologue m’a dit qu’il n’existe aucun traitement pour stopper l’évolution du phénomène, et que la seule chose à faire, ce sont des échographies périodiques pour suivre l’évolution. Mon médecin traitant est parti à la retraite en 2009. Je ne sais pas où est mon dossier médical, mais j’ai conservé 200 ordonnances tamponnées par la pharmacie. J’ai compilé tout un dossier. Je pense mettre en cause mon médecin traitant. Au fil du temps, nous étions devenus complices. Je lui reproche de m’avoir prescrit du Mediator alors qu’il existait des échos négatifs en provenance d’autres pays. Il aurait dû s’informer. Et prescrire de manière moins systématique – j’ai également pris du Vioxx jusqu’à son interdiction.
Faites-vous moins confiance au corps médical dans son ensemble ?
En effet. Mon nouveau médecin traitant paraît regarder une machine et non une personne. Je vais le voir pour être rassuré, il me dit : « J’ai 59 ans, moi non plus je ne cours plus comme un lapin. » Il prend le phénomène à la légère au lieu de tenir un langage de vérité. Il me dit qu’il ne comprend pas la liste des 77 médicaments sous surveillance. Il me dit que ces médicaments sont efficaces pour certains de ses malades, et que la médiatisation de l’affaire Mediator bloque les médecins dans leur travail. J’ai l’impression d’un lobby professionnel qui cherche à se couvrir.
Avez-vous cessé de prendre certains médicaments ?
Du jour au lendemain, j’ai arrêté le demi Stilnox que je prenais chaque soir pour m’endormir. Il m’a fallu du temps pour retrouver le sommeil, mais j’ai voulu sortir du système car j’ai eu peur pour ma santé. J’avais demandé à mon médecin un médicament pour m’endormir, mais je ne savais pas ce que je prenais. Les notices sont insuffisantes. De même, à l’avenir, je ne prendrai plus les anti-inflammatoires qu’on me prescrit souvent pour calmer mon arthrose cervicale. Je préfère avoir mal que de prendre quelque chose qui ne m’inspire plus confiance. Ma confiance est entamée envers tout le système : les médecins, les pharmaciens, les laboratoires, les pouvoirs publics. Les méthodes des laboratoires sont malhonnêtes, les médecins ne cherchent pas assez à s’informer. Le système est pollué. L’argent passe avant l’humain, c’est malsain.
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