Le sémaglutide, de plus en plus utilisé chez les personnes avec diabète de type 2 (DT2), pourrait être associé à la neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (Noian). C’est ce qu’a cherché à vérifier une cohorte rétrospective appariée, chez des patients sans antécédent de Noian, évalués par des neuro-ophtalmologues en CHU entre le 1er décembre 2017 et le 30 novembre 2023 (1). Elle s’est intéressée aux patients recevant ce traitement pour DT2 ou surpoids/obésité.
Parmi les 16 827 patients de la cohorte, 710 avaient un DT2, dont 194 ont reçu du sémaglutide et 516 d’autres antidiabétiques non-GLP1. L’âge médian de ces DT2 était de 59 [49-68] ans, avec 369 [52 %] de femmes . D’autre part, 979 étaient en surpoids ou obèses, dont 361 sous sémaglutide et 618 sous autre médicament non-GLP1) ; l’âge médian de ces sujets obèses était de 47 ans, dont 72 % de femmes.
Dans la population atteinte de DT2, 17 événements de Noian sont survenus chez les patients ayant reçu du sémaglutide, contre 6 sous non-GLP1. L’incidence cumulée de la Noian sur 36 mois était ainsi respectivement de 8,9 [4,5-13,1] % sous arGLP1 et de 1,8 [0-3,5] % sous non GLP1. Soit un surrisque de Noian sous sémaglutide de HR=4,28 [1,62-11,29], p < 0,001).
Quant à la population de sujets en surpoids ou obèses, 20 événements de Noian sont survenus sous sémaglutide, vs 3 dans la cohorte non-GLP1. Soit, à 36 mois, une incidence de 6,7 [3,6-9,7] % sous GLP1 et de 0,8 [0 -1,8] % sous non GLP1 : HR = 7,64 [2,21-26,36] ; p < 0,001.
Les résultats de cette étude suggèrent donc une association entre le sémaglutide et la Noian.
Une cause majeure de cécité
On sait que cette classe d’incrétines à fort pouvoir anti-hyperglycémie et pondéral connaît une croissance asymptotique de prescriptions partout dans le monde, dans le DT2 et le surpoids ou l’obésité, parfois totalement en dehors de leurs AMM. Il est donc indispensable de s’assurer de leur sécurité et des possibles risques encourus.
On savait déjà que les patients atteints de rétinopathie diabétique (RD) ayant reçu du sémaglutide ont présenté un risque accru d’exacerbation de la RD, en particulier après réduction rapide de l’HbA1c, et davantage de progressions de la RD proliférative et de risque d’apparition d’un nouvel œdème maculaire.
C’est ici la première alerte concernant le risque de Noian qui est, rappelons-le, une cause majeure de cécité. Ici, aucun facteur de confusion n’a pu être mis en évidence, l’étude est donc robuste.
Comme les auteurs, concluons qu’il s’agissait d’une étude observationnelle et qu’une étude prospective est nécessaire. Notons qu’aucune piste de mécanisme pathogénique n’est trouvée à ce jour concernant la Noian, contrairement aux effets du sémaglutide sur la rétinopathie. S’attendant à une progression encore plus importante des prescriptions de cette classe, ces données anticipent un nombre croissant de cas de Noian liés à ces médicaments.
(1) Hathaway JT et al. Risk of non-arteritic anterior ischemic optic neuropathy in patients prescribed sémaglutide. Jama Ophthalmol. 2024 Aug 1;142(8):732-39
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