On appelle sévères, les hypoglycémies qui nécessitent l’aide d’une tierce personne pour être corrigées. En réalité elles peuvent passer inaperçues, compte tenu d’un parcours de soin souvent morcelé et sans lien suffisant entre les acteurs.
Les études commencent à montrer que ces accidents sont fortement en cause dans les motifs d’hospitalisation aux urgences pour iatrogénie, lorsque le diagnostic initial est bien noté. Sans compter, donc, nombre d’admissions de diabétiques étiquetées comme accidents, traumatismes, fractures, sans qu’un lien ait été établi avec une hypoglycémie.
Ainsi, chez 1,15 millions de patients, la HEALED study avait révélé que le nombre de chutes et de traumatismes crâniens chez des sujets de 65 ans est plus que doublé lorsque le diabétique a présenté un ou plusieurs épisodes d’hypoglycémie (2).
Et, coup de tonnerre, Budnitz et al. avaient montré que, parmi les 4 causes d’admission aux urgences aux États-Unis de sujets de plus de 65 ans pour iatrogénie – de très loin les plus fréquentes – les hypoglycémies sous insuline ou sous sulfamides hypoglycémiants arrivent au deuxième et au quatrième rang, juste après les accidents liés aux AVK et aux anti-agrégants plaquettaires (3). Cela débouche sur davantage de recours aux hospitalisations, quand les sulfamides et glinides sont impliqués.
La HAT study a été conçue selon le même principe que DIALOG : 6 mois de mesures rétrospectives, 1 mois prospectives, des hypoglycémies des DT1 et DT2 sous insuline (4). Elle réunit 27 500 patients sur 24 pays, dont ceux souvent peu impliqués : Amérique Latine, Europe de l’Est, Russie, Moyen-Orient, Asie du Sud Est. L’incidence moyenne confirme les données antérieures : une fréquence très élevée d’hypoglycémies chez les DT1 et 4 fois moins chez les patients DT2 insulinotraités. Mais, pour eux, les disparités sont très importantes. Le recours aux hospitalisations est beaucoup plus élevé en Amérique latine.
Dans un travail déjà communiqué en 2013, nous avions montré la fréquence importante des hypoglycémies sévères, en recherchant ces épisodes dans les dossiers des urgentistes des hôpitaux mais aussi des pompiers et du SAMU, tous les patients n’étant pas emmenés aux urgences.
L’étude multicentrique française HYPO 15, fondée sur le même principe, conduit aux mêmes conclusions (5). Plus de 1 % des DT2 présentent des hypoglycémies graves nécessitant une prise en charge médicale. 92 % sous insuline, dont 82 % sans ADOs – alors que, dans notre étude, 2/3 étaient sous insuline et 1/3 sous ADOs seuls (les DT1 étaient exclus).
Fragilités
Dans les deux études, les ADOs en cause étaient les sulfamides et les glinides ces derniers sont pourtant souvent considérés et prescrits pour leur « faible » risque. Le glibenclamide était le plus souvent en cause.
L’âge surtout, le sexe masculin et un certain degré d’insuffisance rénale sont rapportés comme facteurs de risque, ainsi que des erreurs de prise de médicaments ou des apports alimentaires inadaptés. Nombre de patients avaient déjà présenté auparavant une hypoglycémie sévère (62 % dans HYPO 15).
Une étude américaine de Budnitz et al. ont ainsi noté que, plus les sujets sont âgés, plus la proportion d’hypoglycémies sévères liées aux sulfamides et glinides (plutôt qu’à l’insuline) est grande, et la durée des séjours d’autant plus longue (6).
Chez les patients DT2 âgés, qu’ils reçoivent ou non de l’insuline, « L’ouragan arrive », annonçait un symposium consacré au sujet. Le risque de démence est doublé par les hypoglycémies et le risque d’hypoglycémies triplé par les démences (lire Pr Lyse Bourdier, page 5). L’excès de rigueur des objectifs glycémiques est dénoncé, dans un contexte de fragilité et comorbidités. Les effets protecteurs des aDPP4, des iGLP1 et des iSGLT2, par rapport aux sulfamides et glinides, ont été largement discutés.
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